Voici quelques DEMEURES de la branche
Chez Amédée-Charles et Marie Prouvost
113, boulevard de Paris à Roubaix
« Face
à la porte d'entrée, s'élevait une sorte de
coupole destinée à mettre a l’ abri de la pluie les
équipages et leurs
passagers. Cette coupole avait reçu en famille le nom de «
pâté chaud ».
L'oncle Amédée, jeune, espiègle et taquin, avait
peu après sa construction
envoyé un télégramme à I’ architecte
pour lui annoncer que le « pâté chaud»
s'était écroulé, ce qui ne s'était produit
que dans son
imagination. » « La porte une fois franchie,
il fallait monter
quelques marches pour accéder à un spacieux vestibule, la
première pièce sur la
droite était le bureau de grand-mère dont le principal
ornement était un bureau
à cylindre qui avait été celui de son père,
dont le portrait se trouvait
accroché au mur. Le bureau a été acquis, sauf
erreur, par J. Lesaffre. Dans
cette même pièce se trouvait un tableau de Martin, peintre
ordinaire du Roi, représentant
Mme de Maintenon et les filles naturelles de Louis XIV. Ce n'est pas
grand-mère
qui m'expliqua le sujet du tableau, car je n'y aurais rien compris ; le
tableau
est actuellement dans mon salon.
La pièce voisine était la bibliothèque, dont à I’occasion
de quelques rangements nous recueillîmes, mon frère Jules et moi, quelques
épaves qui charmèrent notre enfance. Dans I’ une des armoires se trouvaient de
merveilleux cigares de Havane, Henry Clay, que grand-père offrait généreusement
a ses petits-fils soldats, et qui, fumés le lendemain, en acquirent une
certaine célébrité à la caserne du 41me d'Artillerie a Douai.
Les deux pièces voisines étaient deux très beaux salons, I’un
donnant sur le boulevard, l’ autre le salon blanc donnant sur le jardin. Le
premier salon comportait une cheminée de marbre surmontée d'un grand portrait
en pied de la princesse de Conti, fille naturelle de Louis XIV, c'est du moins
I’ explication que m'en donna grand-père en 1927 peu avant sa mort, et cette
fois, je compris. Ce très beau tableau de C. Van Loo est actuellement chez ma
sœur Jeannette. Ce qui peut donner une idée de la dimension de ce salon, c'est
que deux pianos à queue étalent à I’aise. Je conserve un souvenir enchanté du
jeu de grand’mère et de I’ oncle H. Dubois. C'est en l’écoutant que je connus,
enfant, les noms de Debussy, Granados et Albéniz. Des tableaux, naturellement,
ornaient les murs. Je me souviens notamment du portrait de son grand-père, le
général Morvan, qui me faisait grande impression et qui le fit aussi sur mon
plus jeune fils qui, encore enfant, me poussa à I’ acquisition dans la
succession de ma mère.
Le salon blanc, ainsi nommé en raison des meubles et de la
cheminée de marbre blanc, avait ses murs ornés de tableaux de Guardi et de
portraits du XVIIIème siècle anglais, la seule grande époque, selon moi, de la
peinture anglaise.
Donnant encore sur le jardin, une grande salle à manger; la
cheminée était supportée par des sortes de grands géants barbus a I’ échelle
réduite, mais à la forte musculature et dont nous allions volontiers
chatouiller le nombril. A gauche de la cheminée, un tableau de J. Weiss, ami de
grand-père, auquel, sur sa demande, j'allais rendre visite dans sa propriété
prés du merveilleux parc du Duc de Norfolk et qui m'a dit que quand il avait
des cauchemars, il pensait qu'il allait vendre du tissu a Bradford et
Manchester, ce qui n'était guère encourageant pour le jeune fabricant que
j'étais alors. A droite de la cheminée, des tableaux de Troyon ; je me souviens
d'une conversation de grand-père avec I’ historien Franz Funk Brentano qui
avait des tableaux presque identiques. Tous deux étalent d'accord pour dire que
leurs tableaux étaient bien du Maître et que le Louvre en possédait seulement
des copies. Face a la cheminée, seule concession a la peinture moderne, deux
tableaux d'H. Martin dont un au moins se trouve chez les Auger à Ville-d'Avray.
Dans cette salle à manger étaient servis des repas savoureux, dus au talent
notamment de Zélie. » « Parfois les repas de famille étaient
bien un peu solennels pour la jeunesse en bout de table, surtout quand
Mgr Laugier, directeur de I'Oeuvre d'Orient, aux yeux de charbon et à la barbe
fleure, appelait grand-père d'une voix de basse « M. Le Président ». II n'y
avait qu'une ressource pour détendre I’ atmosphère en cette occasion : pousser
hypocritement un jeune cousin Dubois à quelque espièglerie. »
A gauche de I’ escalier d'entrée se trouvaient le vestiaire et
I’ escalier de service aux larges dimensions. Je conserve souvenir surtout de I’
odeur de ce vestiaire due, je crois, à I’ essence des boiseries qui le
décoraient, du merisier peut-être. Un escalier d'honneur de larges dimensions
conduisait au premier étage. Les marches en étalent surmontées par un immense
tableau, actuellement chez moi, représentant une apparition de la Sainte Vierge
à Sainte Catherine de Sienne semble-t-il, par Alonzo Cano. Ce tableau avait été
acquis par nos grands-parents, encore jeune ménage, et occupait du plancher au
plafond la hauteur d'une chambre de leur maison, rue Neuve. Le premier étage
comportait un vaste vestibule dont la pièce maitresse et le centre était I’
oratoire. Parfois, un prêtre ami y disait la messe et presque tous les ans la
messe de minuit y était célébrée a Noël par un de mes anciens professeurs qui
avait, selon certains, la mauvaise habitude de dire consécutivement les trois
messes de Noel. C'était un peu trop pour la piété des fidèles qui
s'égaillaient, ou pour Marcel Segard qui sommeillait malgré les chants de Noël
qui émanaient du rez-de-chaussée. L'oncle Henry Dubois essayait de tirer le
meilleur parti d'un orgue un peu délabré, en accompagnant la voix d'or de tante
Marthe.
En dehors des chambres le premier étage comportait, à droite, le
bureau de grand-père, dont le principal ornement était de petits Corot
d'Italie. Au second étage, dans deux pièces et un vestibule était logée, assez
au large, la galerie de tableaux qui fut aussi I’ enchantement de notre
enfance. Pour ceux de mes cousins qui ont conserve le catalogue illustre de la
vente effectuée le 22 octobre 1927 à Amsterdam, je signalerai ceux de ces
tableaux dont j’ai conservé surtout le souvenir. Le meilleur lot de tableaux se
trouvait dans la salle de gauche en montant et consacrée à la peinture
flamande. Numéro 404 : Le portement de Croix de P. Brueghel le jeune.
Grand-père m’en a fait compter les nombreux personnages. Numéro 406 :
Portrait de jeune femme, de Van Cleef. Ce très beau tableau, admire par toute
la famille, généralement masqué par un soierie et, après avoir fait I’ objet de
nombreuses expertises et d'attributions prestigieuses, fut vendu aux enchères
d'Amsterdam. Le plus haut prix semble avoir été donné pour le numéro 413,
Maître de Bruges : Portrait d'une dame âgée. J'ai toujours eu beaucoup d'amitié
pour le numéro 426 dont on disait en famille qu'il était le portrait de
Montaigne et dont on m'invitait à compter les cheveux. J'ai conserve un très
bon souvenir pour la profondeur et la transparence de ses bleus, du numéro 459,
école de Y. Patiner et ai toujours beaucoup d'attention pour les tableaux de ce
peintre.
Dans une armoire ancienne était conserve le tableau le plus
précieux, sentimentalement du moins, de toute la galerie. Cette crucifixion,
attribuée à Van Der Weyden, ne fut pas mise en vente à Amsterdam. Grand-mère y
attachait beaucoup de prix car I’ oncle Amédée avait demandé que ce tableau fut
apporté dans sa chambre pendant son agonie. Mis en vente après la mort de
grand-mère à l'hôtel Drouot, il fut I’ objet d'une compétition entre tante
Thérèse et moi-même agissant pour le compte de ma mère. J'ignorais du reste
cette compétition, qui ne me fut connue qu'au moment ou ma chère tante, qui
était ma voisine, se vit attribuer le tableau par le commissaire-priseur auquel
elle avait donne ses instructions. J'avais cherché sans succès à retrouver la
trace des tableaux dispersés a Amsterdam, je n'ai retrouvé la trace que d'un
seul, le numéro 422, un Jugement de Paris, mais il était trop tard pour I’
acquérir. II est resté à Amsterdam; je I’ ai retrouve une première fois au
Rijksmuseum auquel il avait été légué par Sir Henry Deterdinf, directeur de la
Royal Butch. J'ai retrouvé ce petit tableau, dont les chastes nudités étalent
voilées à nos yeux d'enfants, quelques années plus tard sous le numéro 840 dans
le plus beau musée du monde a mon goût, le Mauritshuis à La Haye, sous le
numéro 846.
Un
vestibule servait de passage entre les deux pièces de la
galerie de tableaux. C'est là que se trouvait le «
Jugement de Paris » que je
viens d'évoquer. Le cardinal Charost, premier
évêque de Lille et, tous les ans,
invité de nos grands-parents, appréciait fort le tableau.
Des colonnes en bois
sculpté, une tête de vieille femme que grand-père
attribuait à Rubens, les
anges musiciens dans le style de Memling dont grand-père disait
qu'ils avaient
inspiré J.-S. Bach, sont les œuvres les plus saillantes
dont je me souvienne
dans cette pièce. La grande pièce voisine donnant sur le
boulevard, était
consacrée à la peinture généralement
Française des XVII° et XVIII° siècles. Les
tableaux n'avaient pas le même prestige que ceux de la galerie
voisine. »
« Cette grande maison blanche fut I’ enchantement de mon
enfance et je crois bien de celle de tous mes cousins. J'en conservé un
inoubliable souvenir un peu assombri par le fait que je reçus en 1942 la
procuration des héritiers pour signer I’acte de vente de cette maison pour un
prix qui, selon moi, représentait à peine le double de ce qu'elle avait couté à
construire en 1895. II est intéressant de noter qu'en même temps que grand-père
construisit ce qui était un peu un palais, ses frères Albert et Edouard
construisaient sur le même boulevard de Paris des maisons aussi prestigieuses,
ce qui donne une idée assez précise et flatteuse de I’industrie du peignage à
cette époque. L'architecte fut M. Liagre, ami de grand-père. »
« Une description du 113, boulevard de Paris serait
incomplète si je n'évoquais pas le jardin et les écuries. Le jardin était de
dimension relativement modeste, mais il bénéficiait du voisinage immédiat de
I’avenue conduisant du boulevard de Paris au château Bossu puis Cavrois. Cela
facilitait les communications avec la maison de mes parents et celle d'Edouard
Prouvost. A la fin du siècle dernier, toute grande maison bourgeoise comportait
des écuries, mais nous n'y vîmes jamais ni chevaux, ni voitures. Par contre nos
grands-parents, sans doute émus du traitement que leurs petits-enfants
faisaient subir à leur mobilier, nous réservèrent ces écuries comme terrain de
jeux sous le nom de « Hurlerie ». Les chevaux avalent été remplacés par les
autos que grand-père avait très vite adoptées. Les marques en avaient été
successivement Mors et La Buire. Si les modèles se succédaient, le chauffeur
était toujours fidèle au poste. II se nommait François Depléchin, astiquait à
merveille les cuivres des phares. II conduisait fort rapidement; je me souviens
d'une remarque de Mimi Auger, disant que François conduisait comme un fou et
faisait notamment la route de Lille en 9 minutes. Je crois qu'i1 est difficile
actuellement, en raison des feux rouges, d'égaler le record. François jouissait
d'un grand prestige auprès de mon frère Xavier et de Claude Lesaffre, dont il
évoquait le souvenir pour moi, 30 ans après avoir quitte le service de mes
grands-parents.
Apres la guerre de 1914, la grande maison blanche du boulevard
ne retrouva jamais plus le même éclat qu'aux années d'avant-guerre. Nos
grands-parents y étaient seuls, une moitié au moins de leurs descendants
n'était pas revenue dans le Nord après la guerre, et le ménage Auger les
attirait tout particulièrement dans la capitale. ils avalent par ailleurs
acquis à Mandelieu, vers 1920, une propriété où ils recevaient leurs
petits-enfants avec grande générosité.
La dernière belle réception que nos grands-parents donnèrent
boulevard de Paris, à l’ occasion de leurs noces d'or, eut lieu en 1925. »
Textes de Jacques Toulemonde écrits à Roubaix en 1970-71
dans une brochure intitulée : D’un siècle à l’autre de Bretagne en
Flandre : Souvenirs d’une grand’ mère présentés par son petit-fils.
Chez Albert Félix et
Marthe Prouvost
50, boulevard de Paris à Roubaix
« En 1888, mes parents entreprirent la construction, sur le
plan d'un architecte ami d'enfance de mon père, Achille Liagre, d'une grande
maison à l'angle du Boulevard de Paris et de la rue Charles-Quint orientée au
Midi et dont toutes les pièces étaient très agréables à habiter. Les enfants
furent particulièrement bien installés : un vaste rez-de-chaussée de plain-pied
avec le jardin leur était réservé. Les salons et la salle à manger étaient au
premier étage, les chambres au second.
En 1889, ce fut l'inauguration de la nouvelle demeure dans
laquelle parents et enfants allaient vivre 25 années d'un grand bonheur.
Nos parents menaient une existence mouvementée de jeune ménage:
nombreux voyages a Paris, mondanités très astreignantes : tous les soirs un
diner, à l'exception du vendredi, jour
d'abstinence et du dimanche consacré traditionnellement à la famille. Un
dimanche sur deux était réservé au Vert-Bois, l'autre au déjeuner et au diner
de la famille Prouvost chez la bonne-maman, rue Pellart.
Vous pouvez vous en rendre compte en feuilletant l'album de
famille, ma mère était une jeune femme d'une resplendissante beauté, mon père
avait très grande allure; tous deux attiraient l'admiration et l'amitié par
leur bienveillance et leurs gouts raffinés. Les réceptions, 50 Boulevard de
Paris étaient brillantes, la table réputée.
Mes parents consacraient dans leurs voyages à Paris une large
place au théâtre et spécialement à la Comédie Française. L'un et l'autre très
lettrés, ils étaient spécialement assidus aux représentations des classiques.
Connaissant à fond le répertoire, ils n'allaient pas au Français entendre le
Cid Phèdre ou Bérénice, mais applaudir
les acteurs qui en étaient les grands interprètes. A cette époque Rachel avait
termine sa triomphale carrière, mais Sarah Bernhardt, Bartet, Mounet-Sully, les
Coquelin étaient au zénith de leur gloire éphémère. Le théâtre du boulevard
avait aussi de très belles troupes : les noms les plus appréciés étaient ceux
de Réjane et Jeanne Granier, Brasseur, Baron, Guy, Lavallière aux Variétés.
Le 50, Boulevard de Paris comportait au dernier étage un immense
grenier inutilisé. Dans leur passion du Théâtre,
mes parents eurent l'idée d'y
construire une petite scène et d'y jouer la comédie entre
amateurs. Naquit donc
vers 1892 ce qu'on nomma par la suite « le Théâtre
Albert ». Pour l'inauguration du
grenier-théâtre, des acteurs de Paris
furent engagés, notamment Prince qui devait acquérir une
grande notoriété de
fantaisiste, les sœurs Mante, danseuses étoiles de
l'Opéra. Les décors étaient
charmants, la soirée fut sensationnelle. A partir de cette
date, chaque année mes parents s'ingéniaient à
découvrir une bonne pièce nouvelle en un acte et
s'attaquaient en trois actes
aux pièces à succès du moment, le
théâtre de Scribe, Augier ou Labiche. Les
amateurs de notre région y furent étonnants de brio.
Parmi eux, outre mes
parents qui jouaient chaque année, les plus fêtés
furent la belle Madame Félix
Ternynck et son mari, Albert Masurel, René Wibaux. Mes parents
prirent
tellement au sérieux leur rôle d'acteurs improvises qu'ils
demandèrent des
conseils a deux célèbres Sociétaires de la
Comédie Française, Le Bargy
et Georges Berr, afin de perfectionner
leur technique forcement sommaire. Plus tard, entre 1900 et 1910,
de nouveaux jeunes premiers accédèrent
aux planches du théâtre Albert. Trois de mes cousins
germains y furent particulièrement appréciés
: Amédée Prouvost, Léon Wibaux et Charles
Droulers. Ils y jouèrent la comédie,
puis en association écrivirent chaque année une petite
revue, dans laquelle ils
montraient autant de verve que d'esprit: Ces revues étaient le
clou de la soirée
« théâtre Albert» du 1" janvier. L'un
après l'autre tous les cousins et
toutes les cousines de tous âges (y compris mon frère, mes
sœurs, ma femme et moi-même)
ont tenu un rôle dans ces revues ou joue la comédie. Aucun
de nous n'a perdu le
souvenir des joyeuses répétitions et des émotions
- quelquefois du trac - de la
générale et de la grande première. Ces
soirées de l’An nouveau réunissaient
dans la joie parents et enfants."
Nous formâmes une société de chasse et
trouvâmes un territoire de grande classe à Pétrieux, près de Tournai: 600
hectares de plaines et au centre un bois de 120 hectares et un château. Six
associés : Edmond Lefebvre, Paul Cavrois, Jean Segard, Eugène Rasson,
Jules Desurmont, Albert-Eugène Prouvost.De 1923 à 1937, Jules et Marcelle y
présidaient merveilleusement. Nos plus fidèles invités furent Jules Masurel et
Françoise, Robert Motte et Marie, Eugène Watine et Madeleine ; Paul
Géraldy vint, expérience peu concluente pour lui ; en juin, les jeunes
venaient avec un orchestre de jazz pour des dîners par petites tables : ce
furent là que Marguerite Prouvost rencontra Jacques Segard pour la première
fois.
Ayant découvert le soleil de la Côte d’Azur
après des été bretons pluvieux, nous louâmes de 1929 à 1939 la « Vierge
Noire », près de sainte maxime. : nus y reçumes beaucoup dont
Germaine et Jacques Prouvost, les René Toussin et leurs filles, les Paul Cavrois,
les Eugène et Philippe Motte, les Jacques Boyer-Chammard, Manette Masurel,
Odile Motte, Loteley Gouin. En 1929, nous arrivâmes à Sainte Maxime avec
un « despujol » : « la Pinta », 15 m de longueur qui
nous obtint en 1930 le Grand Prix de l’élégance à Cannes. Paul Géraldy fut un
des premiers à adopter les vacances dans le midi. : il fit construire à
Beauvallon, la Colline » : nous voisinions entre Sainte Maxime et
Beauvallon ; un jour lui ayant proposé du planking (ancêtre du ski
nautique, il débutat très bien puis tomba et ne lacha pas la corde ce qui le
rendit quasi noyé, mais il s’en sortit fort bien. Passé la crise, entre 1929 et 1933, je louais
à Lady Granart un appartement 22, rue Barbet de Jouy ; entre 1933 et 1939,
j’achetais en vente à Drouot et à la galerie Charpentier, au tiers du prix
d’avant 1929, des tooiles d’impressionnistes : Renoir, Pissaro, Sisley,
Boudin, Redon, Bonnard, Vuillard. Depuis
1930, le succès de Jean Prouvost fut considérable ; Albert y eut une participation,
Jacques et Marguerite Segard l’ont augmentée. Trois fois par an (fêtes de l’An, Pâques,
Juillet-août) les familles se retrouvaient à Pibonson que Rita décorait
touojurs plus et Au Cap Bénat qu’Albert et Anne venaient d’acquérir en
1953. ; nous avions d’excellents voiliers : l’Iska pour les Jacques
Segard, la Pinta pour les Albert-Auguste.
« Nous avons en commun et par
atavisme le désir d’ajouter chaque année au patrimoine artistique de nos
intérieurs quelques meubles de qualité, de beaux tableaux, de jolis bibelots.
N’est ce pas, sur le plan sentimental, une des joies de la vie que de pouvoir
retrouver chaque jour, dans un ensemble d’objets attachants, des souvenirs
témoins à travers les générations, d’un beau passé ? »
« Souvenirs de famille » Par Albert-Eugène Prouvost,
1960.
Le château du Vert Bois et la Fondation Septentrion :
Le château du Vert Bois est ce que l’on appelait au XVIIIe siècle une "folie", c’est à dire un pied-à-terre campagnard pour famille fortunée. Construit en 1743, il passa entre diverses mains avant d’être acquis en 1869 par Louis Duchochois, un aïeul de la famille Prouvost. Et c’est après la Seconde Guerre Mondiale qu’Albert Prouvost vint habiter au Vert Bois avec sa jeune épouse Anne, aux côtés de ses parents. Comme son père, qui s’était enthousiasmé pour les Impressionnistes, Albert Prouvost partagea la passion de la peinture avec son épouse, rencontrant Bonnard, Chagall, Derain, et achetant leurs œuvres. Parallèlement, ils se constituèrent deux très belles collections de minéraux et de céramiques antiques. Autant de "trésors" dont Albert et Anne décidèrent un jour de faire profiter le public le plus large possible. Si Albert Prouvost était l’un de ces "capitaines" d’industrie qui ont fait la réputation du textile nordiste, il était aussi un patron social. C’est en effet lui qui fut le fondateur du CIL de Roubaix-Tourcoing, destiné à améliorer le logement social grâce à des cotisations patronales. C’est dans ce même état d’esprit qu’Albert et Anne Prouvost se "lancèrent", dans le mécénat artistique en 1967, en organisant, au château de la Vigne à Bondues, une exposition des collections privées du Nord, qui attira en deux mois près de 40 000 visiteurs ! Un succès qui les conforta dans leur volonté de créer une fondation.
Mais comme la structure est longue à mettre en place, ils ouvrirent d’abord, dans l’ancienne ferme du Vert Bois (la Ferme des Marguerites), le Centre artistique de Marcq-Bondues, qui deviendra vite La Galerie Septentrion. Et lorsqu’Anne Prouvost, à l’ouverture de la Fondation, cessa de s’occuper du lieu, celui-ci devint une galerie privée telle qu’on la connaît encore aujourd’hui. La Fondation ouvrit, en octo- bre 1975, dans la grange, le hangar et une longue étable de la Ferme des Marguerites. L’inauguration en fut assurée par Chagall, et, pendant des années, les plus grands noms s’y succédèrent : Dufy, Rouault, Bonnard, Braque, Laurens, Caillebotte, Cocteau… Mais, au fil du temps, l’augmentation du coût de transport et d’assurances des œuvres réserva ce type de manifestations aux musées publics. Le décès, en 1991, d’Albert Prouvost, accentua ce mouvement inéluctable. Et quand, la succession liquidée, Ghislain Prouvost hérita du château du Vert Bois, il donna une nouvelle orientation à l’ensemble culturel marcquois. Le château que son père et sa mère faisaient visiter eux-mêmes au public tous les dimanches, depuis 1969, fut fermé pour travaux pendant deux ans (1994-1996), et fut redécoré et remeublé dans l’esprit de son temps, le XVIIIe siècle.
Et, surtout, Ghislain Prouvost privilégia l’aménagement du parc de 60 hectares qui entoure le château : traçage de nouvelles allées, création de pièces d’eau, plantation d’arbres… sans oublier l’installation de nouvelles sculptures. Au groupe de pierres d’Eugène Dodeigne (près de la Fondation) et au Neptune de Jean de Bologne, sont venus s’ajouter, en mai 2003, un deuxième bronze du même sculpteur, originaire de Douai, "L’Enlèvement des Sabines", et le bélier de Paul Hémery qui ornait la façade roubaisienne du Peignage d’Amédée. Quant à la Fondation, à partir de fin 2001, elle ne vivait plus que par la seule présence des œuvres de la collection Prouvost, qui finirent par être enlevées en décembre 2002. Images de Marcq Juillet-Août 2004
Château de Drée
Jusqu'en 1769,
ce château porta le nom de La Bazolle.
entre cour d’honneur et jardin, qui fut illustré par Albert-Bruno
et Corinne Prouvost.