Quelques illustrations de la lignée des
Ovigneur
Flandre
Cette famille a tenu des
fiefs de l’abbaye de Loos.
Marie Jeanne Bocquet,
veuve Ovigneur, fit hommage et dénombrement à l’abbaye.
Catherine Ovigneur
était religieuse de Saint Sauveur de Lille ; elle décéda en 1737.
Nord 27H24, Leuridan,
II, 482.
Cette synthèse sur Wikipedia par Eric Plouvier, un de ses
descendants :
« Charlemagne Ovigneur (1759-1832), capitaine des
canonniers lillois lors du siège de Lille par l’armée autrichienne en octobre
1792, deviendra malgré lui une image d’Epinal. L’empereur Napoléon lui remettra
la légion d’honneur en 1810. Une rue de Lille porte son nom. Aux XIXème et
XXème siècles à l’occasion des commémorations du siège de 1792, sa mémoire est
évoquée. En 1998, une carte à puce d’un parking de Lille le représente Les
Ovigneur sont « bourgeois de statut » à Lille depuis le XVIème
siècle. En 1735, Joseph Ovigneur (1697-1735) hérite d’un fief et d’une
seigneurie constitués au début du XVIème siècle par ses aïeux Robert Le Hugier
et Françoise de Corenhuze. De père en fils, ils fabriquent aussi du fil.
Parmi l’élite roturière du Tiers Etat,
les Ovigneur sont inscrits au registre des Bourgeois de Lille depuis la fin du
XVIIème siècle. Un « livre de raison » contenant l’état civil
(naissances et décès) a été tenu avec soin pendant quatre siècles, passant
successivement des mains de la famille Pouille à la famille Bocquet puis échu à
la famille Ovigneur -par l’alliance de Marie-Joseph Bocquet (1704-1787) à
Joseph Ovigneur (1697-1765). Il servait à régler filiations et successions .
Celui qui commence ce « livre de raison », Jacques Pouille, mort en
1597, y consigne pour, “le 30 jour de novembre 1568”, les premières lignes,
après, chrétien, avoir tracé une croix : “Mémoire que moy, Jacques Pouille
et Antoinette Daussy, avons esté ensemble par mariage”. Les Pouille appartenant
aussi à la bourgeoisie de Lille oeuvraient dans le commerce des draps.
La
famille Ovigneur possède même un fief
situé à Leers, de « douze bonniers ou environ
d’héritages » (environ
dix-sept hectares), leur rapportant annuellement 300 florins soit 100
livres.
Ce fief provient d’aîeux Robert Le Hugier et
François de Corenhuze, qui en
étaient propriétaires au XVIème siècle. Les
Ovigneur oeuvrent dans le textile.
Né vers 1569, fils de Catherine Le Hugier et de Siméon
Mainsent, Allard
Mainsent était sayetteur à Lille, c’est-à
-dire fabricant d’étoffes très
légères
faites de laine peignée ou sèche. Le 21 octobre 1623,
dans le cadre d’un
contentieux entre villes flamandes, cet aïeul des Ovigneur
témoigne par écrit,
que les marchés de Lille et de Tournai ne sont plus suffisamment
approvisionnés
en fin filets de laine, à cause de la concurrence hollandaise
: “eaigé de
cincquante quatre ans ou environ, plus de trente-trois ans qu’il
y at exercé,
comme il faict encoires, ledict stil et, ce faisant, fabricqué
fins oeuvraiges
de changheans...à raison de quoy scait que depuis deux à
trois ans encha, les
fins filletz quy souloient estre apportez au marché de ceste
ville sont
tellement rares..”
Rémy Bocquet, autre aïeul des Ovigneur
qui conservera par le truchement de ses descendants la plume du livre de
raison, a fait partie d’une prestigieuse confrérie d’artilleurs, parmi les plus
anciens corps d'artillerie d'Europe. En effet, c’est depuis 1483 qu’elle a été
créée, sous le vocable de la Confrérie de Sainte-Barbe, plus tard rebaptisée le
bataillon des Canonniers Sédentaires de Lille. En reconnaissance de la
brillante conduite des Canonniers lors du siège de 1792 mené par les
Autrichiens, Napoléon Bonaparte réorganisa leur bataillon en 1803, leur faisant
don de l’ancien couvent des sœurs Urbanistes, afin qu'ils puissent le transformer
en hôtel. Il est aujourd’hui occupé en partie par le musée qui leur est
consacré. Remy Bocquet, membre de la Sainte-Barbe écrivait
“Mémoire que moÿ Remÿ Bocquet aÿ faict
mon entrée de capitaine d’armes dans la compagnie d’Estienne Fasse, le 24 de
juin 1635. Memoire que jaÿ été faict lieutenant dans la même compagnie le 29
d’avril 1636 et presté le serment de me bien acquiter de ma charge. Memoire que
j’aÿ faict mon entrée de lieutenant le 30 de maÿ1636. Memoire que ma mère
Isabeau Pouille est décédée de ce monde le 5 de septembre 1636. Dieu veuille
avoir son âme...”
Tous les ans, une fête des confrères
associait “dévotion, déambulations, et débordements bachiques”. Milice
communale composée de canonniers, la confrérie, était le “symbole de la bourgeoisie
locale et de son auto organisation”.
Le fait d'armes du Capitaine Ovigneur
Né dans cette vieille bourgeoisie de
Lille, Charlemagne Ovigneur n’a pas cinq ans quand il perd son père. Sa mère se
remarie. Il s’initia avant la Révolution à deux techniques qui allaient devenir
ses principales activités, poursuivies à son tour par son fils Emmanuel :
l’artillerie, le commerce et la fabrication de fils. A seize ans, il s’engage
au régiment de Guyenne Infanterie (1775-1777) puis au régiment de Strasbourg
Artillerie (1778-1785). De retour à Lille, il crée son commerce et sa fabrique
de fils en 1787 . La même année, il se marie. En 1790, il fait partie de la
garde nationale à Lille. L’année suivante, il est lieutenant. En 1791, il est
capitaine de l’artillerie de la garde nationale.
L’ambiance politique est houleuse en
cette période, les tensions et suspicions de complots contre la nation
naissante sont légions.
Ovigneur se distingue en 1792. Le roi
déchu et déçu veut la guerre. Dans le Nord, une armée autrichienne commandée
par le duc Albert de Saxe-Teschen, (le mari de Marie-Christine de Habsbourg)
campe devant Lille depuis le 23 septembre. Le duc pensait que la ville
tomberait rapidement comme Longwy ou Verdun. Mais c’était sans compter sur le
réel atout de cette nation qui s’élevant au rang d’hommes libres, apprenait
aussi la motivation à le rester, ou à mourir. De fait, les Lillois se défendent
vigoureusement malgré les bombardements. Ovigneur et ses hommes tiennent
l’ennemi en ligne de mire. Lors du siège de Lille en 1792, il commande une
compagnie de canonniers.
Le courage manifesté par les Lillois est
exemplaire selon des procès verbaux officiels dressés alors, notamment ceux des
commissaires de la Convention nationale. Unedépêche dont il est rendu compte dans
la séance du 8 octobre:
« Citoyens, nous sommes entrés
hier, vers les huit heures du soir, dans cette ville, où l'on rencontre à
chaque pas les traces de la barbarie et de la vengeance des tyrans. Christine,
d'après les rapports, est venue jeudi jouir en personne des horreurs commandées
par son mari qu’elle a si bien secondé; on a fait pleuvoir devant elle une
grêle de bombes et de boulets rouges pour hâter la destruction de cette belle
et opulente cité, qu'elle appela un repaire de scélérats, et qu'elle se
plaignait de ne pas voir encore détruite ; elle s'est donné le plaisir de
lui envoyer de sa main quelques boulets rouges. Nos ennemis trompés sur la
fermeté et le patriotisme des citoyens de Lille, comptaient qu'une insurrection
allait leur livrer la place et c'est pour la provoquer que, sans s'arrêter aux
lois de la guerre, ils commencèrent leur feu au retour du trompette qui leur
rapportait la fière et républicaine réponse que la municipalité fit à la
sommation du duc Albert de Saxe et qu'ils dirigèrent particulièrement leur feu
sur le quartier de Saint Sauveur, le plus peuplé de la ville, et dont les
citoyens, toutes les fois qu'il a fallu déployer l'énergie du patriotisme se
sont constamment montrés les premiers; mais ce peuple, sur la lâcheté duquel on
osait fonder de coupables espérances s'est trouvé un peuple de héros. Le
quartier St Sauveur n'est, à la vérité, qu'un amas de ruines: 500 maisons sont
entièrement détruites, 2000 sont endommagées par un feu d'artillerie souvent
aussi nourri qu'un feu de file; mais c'est là tout ce qu'ont pu les tyrans. Ils
n'entreront jamais dans cette importante forteresse, dont ils ménagent les
remparts, parce qu'ils appartiennent, disent-ils, au roi de France, et les
maisons qu'ils n'épargnent qu'autant qu'elles se trouvent dans la rue Royale et
les environs, quartier de l'Aristocratie Lilloise. Sous cette route de boulets,
les citoyens que nous sommes venus admirer, encourager et consoler de leur
perte, ont appris à déjouer les projets destructeurs de nos ennemis. On a
descendu des greniers et des étages les plus exposés tout ce qui pouvait servir
d'aliment au feu. On a rassemblé à la porte de chaque maison, des tonneaux
toujours remplis d'eau ; les citoyens distribués avec ordre, veillent les
bombes et les boulets rouges, les jugent et donnent le signal convenu ;
dès qu'un boulet est entré dans une maison, les citoyens désignés s'y portent
sans confusion, le ramassent avec une casserole, l'éteignent, crient
« Vive la nation » et courent reprendre leur poste pour en attendre
un autre. On a vu des volontaires, des citoyens, des enfants même courir sur
les bombes et en enlever la mèche, courir après les boulets pour les éteindre
avant qu'ils n'aient roulé dans les maisons. Tout se fait dans le calme,
l'ordre règne partout. Trente mille boulets -rouges, six mille bombes, ont
aguerri les citoyens au point de leur faire mépriser le danger. Les Autrichiens
ont beaucoup perdu. Leur feu a cessé, il y a environ deux heures, et l'on dit
qu'ils lèvent le siège; ils se retireront chargés de l'exécration des habitants
du pays, qu'ils ont rempli de meurtres de toute espèce, de brigandages et
d'actes d'inhumanité et de barbaries dont le récit vous ferait frémir. Une
foule d’actions dignes des héros des anciennes Républiques méritent de fixer
votre attention. ».
Le représentant Bellegarde écrivait en
même temps au député Gorsas :
« Au milieu des flammes dont la
ville de Lille est la proie, nous avons trouvé le courage et l'héroïsme des
habitants inflexibles. Je me contenterai de vous citer deux traits : un
particulier nommé Auvigneur, servant une pièce de canon sur les remparts est
averti que sa maison avait été allumée par un boulet rouge et qu'elle allait
être réduite en cendres. Il se retourne, voit en effet sa maison en feu et
répond : « Je suis ici à mon poste, rendons leur feu pour
feu. » Et ce citoyen est demeuré à son poste jusqu'à ce qu'il ait été
remplacé. »
Le 7 octobre 1792, après 10 jours de
pilonnage, les Autrichiens, apprenant la retraite des Prussiens après Valmy,
abandonnaient le siège et retournaient benoîtement aux Pays-Bas. La résistance
héroïque de Lille avait arrêté l'invasion au Nord.
À partir de là, la carrière militaire
d’Ovigneur s’accélère, mais il ne reste que peu de détails et d’informations
sur le contexte de son déroulement.
En 1793, après la trahison de Dumouriez,
le lieutenant Ovigneur contribue à l’armement de la place de Lille. Il devient
membre du conseil général de la commune . Il commande le 16 octobre, un parc
d’artillerie de bataille lors du siège de Maubeuge. Le 12 décembre, Bouchotte,
ministre de la Guerre, le nomme garde principal d’artillerie. Membre du club
des Jacobins à Lille, il en sera aussi un des présidents . Après la chute de
Robespierre, il est aux arrêts en novembre 1794. Encore inquiété en juin 1795,
il démissionne en mai 1796. En août 1799, alors que la propagande royaliste
gagne les esprits, Ovigneur “considéré comme sans-culotte, est passé à tabac”
par ces royalistes . Membre de la garde nationale en 1799 et 1800, il sera
capitaine des canonniers sédentaires lillois de 1804 à 1811. En 1809, il
commande un bataillon de canonniers à Flessingue envahie par les Anglais après
Wagram.
Quelques lettres manuscrites subsistent
de lui. Le 10 décembre 1792, il intervient au nom des Canonniers lillois qui
“ont montré beaucoup d’énergie pendant le bombardement” pour faire changer de
vieux canons armoriés. Il suggère que l’on “pourrait faire mettre sur la vole
en place d’étiquette “Lille a bien mérité de la patrie””.
En messidor an II, le club des Jacobins
décide de procéder à une épuration en son sein et adresse à tous ses
sociétaires, un questionnaire demandant à chacun de rendre compte de sa
conduite privée et politique. A propos de sa nomination au poste de Garde
d’artillerie, le capitaine écrit: ”Comme j’aime ma patrie et désir lui être
utile je quittais mon commerce pour occupais le poste que l'on me donnait sans
consulter mes intérêts personnels, car un républiquain ne doit pas conter sur
sa fortune, j'ai quitté mes affaire pour faire ceux de la République au
appointement de 1200 livres et logée.”
En 1794, toujours dans cette même
profession de foi destinée au club des Jacobins lillois dont il est membre, il
explique: “J'ai aimé l'égalité avant qu'elle ne fu déclarée par le peuple. Ce
qui le prouve, c'est que je fis la succession d'un bien que j'était libre de me
conservée la propriété an détriment de mes soeurs mais lorsque j'ai attain
l'âge de vingt-cinq ans, je vandie le bien et le partaga également avec eux.”
Un an plus tard, des munitions subissent
de fortes pluies et risquent l’avarie, il est mis aux arrêts. Toujours
responsable de l’artillerie, il prévient les autorités, le 13 Brumaire An III:
“Le sang me bouille dans les veines quand je vois des généraux dilapidateurs
qui font perdre à la République ce qu’elle a de plus cher et que tout bon
républicain veille à la fabrication et conservation de la poudre. (...) Je vous
prie d’en instruire votre Comité parce que je crains que l’on ne vous vienne
faire des dénonciations contre moi. Tous les amis de l’ordre ne connaissent pas
ma disgrâce. Ce n’est pas ma faute si cela périt attendu que je ne suis rien en
ce moment ici.”
Il refuse dans une lettre au maire de
Lille, en date du 28 février 1831, qu’on dénomme une rue pour lui rendre
hommage:“Comme soldat citoyen, je pourrais revendiquer une part de la gloire
qui rejaillit sur notre cité, parce que j'ai la conscience d'avoir rempli mes
devoirs; mais je ne pourrais agréer l'hommage d'une distinction particulière
sans porter atteinte aux nobles sentiments qui animèrent mes frères d'armes”
La création révolutionnaire du héros et
son exploitation publique ou privée
“Point de marbre sépulcral mais une
modeste pierre : qu’on y grave le nom d’Ovigneur, et vous verrez la main
de l’histoire, cette main de fer écrire sur celle-ci une date, une simple date
mais toute rayonnante de gloire et de souvenirs”: cet extrait de l’éloge
funèbre prononcé à l’occasion de ses obsèques, le 16 mai 1832, établit que
Charlemagne Ovigneur était déjà de son vivant, une icône, une forme et une
idée, un particulier et un universel. Le personnage devenu une figure lilloise,
engoncée par un fait d’armes lointain -1792- dans une période fondatrice, la
Révolution française.
Divinité locale au “nez retroussé”, aux “yeux bleus”, au “menton à foçètes”, il fait partie de ces bourgeois-travailleurs qui allaient pouvoir faire triompher les idées des Lumières. Prototype d’une classe sociale déterminante dans le processus révolutionnaire à Lille comme ailleurs, il allait s’accomplir dans l’administration moderne de l’empire de Napoléon, lequel le décorait d’ailleurs en 1810.L’assiduité dans l’exercice de sa fonction de capitaine commandant une compagniede canonniers volontaires lors du siège de Lille à l’automne 1792 , est le principal fait d’armes de Charlemagne Ovigneur. Elle lui valut une reconnaissance durable et particulière.
Ovigneur au service de la patrie
Le premier récit est publié dès le 9
octobre 1792 dans une gazette locale : « L’ambition de la gloire, l’amour
de la patrie, toutes les vertus enfin du peuple lillois se sont exaltées et les
âmes se sont senties portées à une élévation jusqu’à ce moment inconnue :
« on vint annoncer à Monsieur Ovigneur, canonnier volontaire, que sa
maison était en feu, je m’en f... répondit ce brave citoyen, je suis à mon
poste ». La mention que la femme d’Ovigneur accouche, apparaîtra dans des
versions ultérieures .
Dans une déclaration officielle de 1816,
le capitaine reconnaît avoir défendu Lille pendant le bombardement, avec “zèle
et désintéressement” en restant “fidèlement à son poste pendant que son épouse
le rendait père et que ses propriétés brûlaient”.
En 1818, un dictionnaire des batailles
mentionne l’exploit sans y faire figurer ni le nom d’Ovigneur, ni la
circonstance que sa femme accouchait .
Les éloges funèbres prononcés à sa mort,
reviennent sur l’évènement: “Lille en feu apparaissait à l’Europe entière tel
qu’un vaste holocauste aux autels de la jeune liberté; ce jour surtout où parmi
les boulets rougis qui sifflent sur sa tête, debout sur nos remparts, près de
la batterie qu’il commande, Ovigneur apprend que sa demeure embrasée croule
sous le poids de la bombe...” .
Intéressants, les récits ultérieurs
livrent des détails: ”Dans un moment où le capitaine, couché sur la culasse
d'une pièce de vingt-quatre, vérifiait le pointage d'un coup difficile, un
homme se présente dans la batterie : Citoyen Ovigneur, ta maison brûle et
ta femme accouche. Pendant ce dialogue, le capitaine n’a pas même tourné la
tête; il est resté l'œil cloué sur sa pièce, et il ne se relève que pour
commander d'une voix calme autant que sonore: -Amorcez ! ....”
L’épisode de la conduite du capitaine
Ovigneur devient un classique de la littérature historique repris en 1863, par
Victor Duruy, dans son Histoire populaire de la France. En 1879, une chanson en
patois reprend le fait glorieux : “Min Capitain',
v'nez vit' vou mason brûle, Mais eh' l'homm' de cœur li dit : Te vos
l'enn'mi , Qu'on sauv' eum' femme', qu'on laich' brûler m' fortune, Mi
min poste est ichi”
Le dernier récit recensé, est celui de
l’Histoire des Canonniers de Lille, publiée en 1892 : “Ce fut ce jour-là
vers minuit, que le capitaine Ovigneur mérita l’admiration universelle de ses
concitoyens et illustra à jamais son nom par sa conduite pleine de vaillance et
d’abnégation. Depuis le commencement du siège, pas plus que son collègue
Niquet, il n’avait quitté le rempart où le rivaient son devoir et
l’honneur : on accourt lui annoncer à la fois que son habitation est en
feu et que sa femme abritée dans une maison voisine de la rue Notre-Dame
(actuellement rue de Béthune) vient de le rendre père. Comme on le presse
d’accourir auprès d’elle et d’abandonner sa batterie pour sauvegarder son bien,
il sait maîtriser les diverses émotions qui agitaient son âme et montrant les
lignes des assiégeants d’où partaient des éclairs continus et d’effroyables
détonations, il répond : Voici l’ennemi ! je suis à mon poste, j’y
reste et vais rendre feu pour feu !”
L’histoire de la fortune de cet acte
assez banal -un soldat à son poste - est celle de l’utilisation publique d’une
image exemplaire.
La Convention avait besoin d’exalter les
actes héroïques des défenseurs de la patrie. À Paris , dans la nuit du 6
octobre, Vergniaud donne lecture d’une lettre des citoyens députés commissaires
de la Convention nationale à l’armée du Nord. Il est question d’une “foule
d’actions dignes des guerriers des anciennes républiques qui méritent de fixer
votre attention” .
Le 11 novembre 1792, quand deux salves
de canons saluent la publication du décret de la Convention nationale “Lille a
bien mérité de la patrie”, Ovigneur est responsable du tir.
Le 23 mai 1810, en visite à Lille,
Napoléon le fait appeler et lui remet la légion d’honneur, en lui disant: “Tous
les canonniers ont mérité la décoration, vous la porterez, Monsieur, pour vous
et pour le corps”. Présente lors de cette remise, l’impératrice Marie-Louise,
d’origine autrichienne, “paraît peu aimable, peut-être préoccupée par les
souvenirs du siège de 1792”.
En 1831, il décline l’offre de la ville de
Lille, d’attribuer son nom à une rue pour rendre hommage au “soldat citoyen qui
s’est distingué entre tous par son patriotisme et son désintéressement” .
S’il accepte d’incarner l’image du
“brave”, c’est comme un porte-étendard. Il refuse “d’agréer l'hommage d'une
distinction particulière”. La reprise publique de son nom est fréquente et
durable : 1889, 1892, 1992.
Ovigneur au service du marketing
Les marques déposées « drap
plume® » et « le Capitaine® » se disputent sur une publicité
épique vantant les mérites d’un tisseur de toile nommé Ovigneur…
Vers 1910, un marchand de vêtements lillois vante la qualité de ses produits parmi lesquels, la “chemise du courageux capitaine Ovigneur”. En 2000, une carte à puce d’un parking de Lille évoque, dans une illustration, le “Capitaine Ovigneur et la défense de Lille en 1792”.
Ovigneur au service du privé
Petit-fils du capitaine, Émile Ovigneur
(1830-1911), dernier commandant du corps des Canonniers sédentaires, conseiller
général, avocat et bâtonnier de Lille en 1878, a été le principal promoteur et
utilisateur de l’image légendaire de son grand-père.
« En 1874, il fait réaliser une
copie d’un portrait très officiel du capitaine exécuté à l’origine par Hurtrel
en 1842, par un bon peintre lillois, Alphonse Colas, pour l'offrir au musée des
Canonniers. Cette générosité et sans doute d'autres libéralités, sont
récom-pensées par la municipalité qui le nomme en janvier 1876 commandant du
corps des Canonniers sédentaires. C'est dans ce contexte que Julien Devos18,
élève de Colas, exécute en 1875 son tableau représentant pour la première fois
l'épisode du capitaine Ovigneur à son poste sur le rempart. »
Émile participe à l’inauguration de la
rue Ovigneur en 1867, prête de nombreux objets - dont l’épée portée par son
grand-père en 1792- lors de l’exposition historique du centenaire de 1789,
ouverte à Lille sous les auspices du Conseil général du Nord, participe à la
commémoration du bicentenaire du siège, en octobre 1892, et reçoit alors du
président Sadi Carnot (1837-1894), la légion d’honneur.
Émile Ovigneur sera un des fondateurs de
l’association nationale du Souvenir Français. Il offre un tableau représentant
son grand-père au musée des canonniers (1874), en fait réaliser un autre par Le
Dru (1890), qu’il tente en vain de vendre à l’Etat .
Postérité et prospérité commerciale
Avec Angélique Lepers (1767-1831), il
aura six enfants: Louis (1789-1790), Emmanuel (1790-1840) Pierre (1792-1793),
Louis-Hippolyte, (1796-1873), Adèle (1798-1851) et Fanny (1802-1886). Cette
dernière épousera en 1827, Rigobert Sénéchal (1789-1867), neveu de
Martial-Joseph Herman (1759-1795) avocat, ami de Robespierre et président du
tribunal révolutionnaire qui, en 1793, envoya la reine à l’échafaud.
En
1820, l’entreprise de fils, fondée en
1787 par Charlemagne Ovigneur, est prospère. Elle est alors
évaluée à 93890
francs . Elle vend tant à Paris et Marseille qu’à
Bâle, Amsterdam ou Anvers. Le
détail des “marchandises en magasin” comprend de
multiples types de fils
comptabilisés en “poignées”, ou en
“douzaine d’échevaux”: du “fil teint en
soie
en noir ou couleurs différentes”, du “mouliné
4 fils blancs”, du “fil à
broder”, du “fil à teindre”... Le
détail des “ustensiles, usines et officines”
lié à la fabrication nous est inconnu. Mais des
matières premières telles le
“potasse”, “l’indigo”, le
“manganèse”, le “bois de Safran” et
“vitriole” sont
mentionnées avec le “charbon” et les
“chandelles”.
Fils aîné, Emmanuel-Charlemagne-Parfait
Ovigneur (1790-1840) restera dans les pas de son père. Dans cette classe sociale,
à Lille comme ailleurs, c’est un fait curieux mais criant, il n’y a pas
“l’évidence d’une rupture, et surtout d’un renouvellement exceptionnel qui se
situerait à l’époque de la Révolution” . Alors que royauté, aristocratie,
clergé et même le bas peuple ont subi dans l’ensemble de bouleversants
changements, la bourgeoisie, paraît traverser cette période de troubles, comme
si de rien n’était.
Emmanuel qui fut aussi maire adjoint de
Lille, trente ans, reçoit de son père l’entreprise, qui lui est cédée à part
égale avec son frère Louis Hippolyte (1796-1873): “C.J Ovigneur et frères” est
créée. La transaction mentionne la “constitution dotale” accordée aux deux fils
à l’occasion de leurs alliances : le lien entre le commerce et la famille
se manifeste. En 1820, Emmanuel se marie en effet à Sophie Rhone (1797-1870),
fille d’un banquier de Valenciennes.
En 1840, sa veuve, Sophie Ovigneur-Rhone
reprendra l’association commerciale avec son beau-frère. En 1847, Louis
Hippolyte reprendra seul l’entreprise consacrée au lin qui dispose alors d’une
machine à vapeur.
En 1860, cette branche de la famille,
établit à Commines un tissage de toiles fines. En 1919, l’entreprise fusionne
avec d’autres pour créer les Filatures et filteries de France.
La fille aînée des Ovigneur-Rhone, Clémence Ovigneur-Rhone (1831-1886), épouse Gustave Desrousseaux-Briansiaux (1823-1886). Leurs filles, Jeanne (1865-1949) et Pauline (1868-1955) épouseront deux frères Louis Plouvier (1865-1924) et Edouard Plouvier (1867-1927) dont les descendants s'allieront aux familles de Lille Roubaix Tourcoing, Watrelot, Tiberghien, Masurel, Trentesaux. »
Né à Lille le 10 juillet 1830, il
prète serment devant la Cour de Douai le 18 avril 1893 et il est admis au stage
le 8 septembre de la même année, puis au tableau le 8 septembre 1856. Memebre à
plusieurs reprise du Conseil de l’Ordre à partir de 1871, il est élu batonnier
en 1877.
Outre son activité d’avocat, Me
Ovigneur remplira les fonctions suivantes : conseiller municipal,
conseiller général, juge de paix,suppléant, commandant de bataillon, des
canonniers sédentaires, président ou administrateur de diverses institutions.
Il sera officier de l’instruction pubique et de la légion d’honneur.
Ses cinquante années de barreau sont
célébrées le 17 mai 1903 par un repas plantureux dont les mets sont accompagnés
de cinq vins outre le champagne. Cette meême année, il se voit amené à prendre
position, malgré lui, semble t’il, dans
le conflit entre agréés et avoués de Roubaix.
Il décède le 22 juillet 1911, venant
donc de féter son 81° anniversaire.
La rue Ovigneur, ouverte en 1865
entre les actuelles places Jacquart et Gentil Muiron, a été baptisée en l’honneur
de Charlemagne Ovigneur, son aïeul.
Notes et références
Histoire des canonniers de Lille. Lille,
Quarré, 1893.
Stéphane
Plouvier,http://splou.club.fr/index.html).
Notes sur la famille Chrétien. Général
Jean Chrétien. Tanger (1960).
Archives du Nord: arrêts du 22 juin 1735
Être et croire à Lille en Flandres
XVIème- XVIIème par Lottin, P. U. d’Artois (2000).
Vivre à Lille sous l’Ancien Régime.
Philippe Guignet. Perrin -1999- p.360 et_suivantes
L’Echo du Nord, journal constitutionnel,
politique et littéraire (n°139 du 18_mai 1832)
Histoire de Lille. L’ère des
révolutions. Sous la direction de Louis Trenard._Éditions Privat (1991) P.255et
308
Arch. communales de Lille, liasse
17.695, dossier 6
Archives de Lille 18264
Les rue de Lille par A. Bertrand
Editions Steenvoorde (1996)
Les maîtres du Nord du XIXème siècle à
nos jours. Pierre Pouchain. Éditions_Perrin -1998- (p.232)
Gazette du département du Nord, 9
octobre 1792
Dictionnaire historique des batailles
qui_ont eu lieu pendant la Révolution Paris Ménard 1818 tome 2 (p. 511 et 512)_
Éloge funèbre du 17 mai 1832 par
Bruneel, officier des canonniers. L’Echo du_Nord, journal constitutionnel,
politique et littéraire n°139, daté du vendredi 18 mai 1832.
Histoire populaire de Lille Henri
Bruneel 1848
Chanson en patois “les canonniers
lillois” (Annuaire du canonnier lillois pour_1879 Lille Danel 1879 p. 40 et
suivantes-)
Recueil des lettres et autres pièces
adressées à la municipalité de Lille à l’occasion du bombardement de cette
place. Imprimerie municipale 1793, p. 32
Création artistique et conflits
historiques dans l’Europe du nord ’, Revue du Nord hors série n°7, 2000,
Université Charles de Gaulle – Lille3
Filiation
Jean Ovigneur &
Adrienne Manisent 1646
|
Etienne Ovigneur &
Marie Jeanne Ducorne
|
Joseph Ovigneur 1697-1765 &1728
Marie Joseph Bocquet 1704-1787
|
Charlemagne Ovigneur 1733-1765
&1757
Geneviève Blondel +1819
|
Charlemagne Ovigneur 1759-1832
&1787
Angélique Lepers 1765-1831
|
Emmanuel Ovigneur 1791-1840 &1820
Sophie Rhone 1797-1870
|
dont :
Les Ovigneur actuel descendent de
Jules Ovigneur1833-1886
&1860 Aimée
Depret 1839-1884
dont on remarque
Marie Ovigneur 1863-1938
& Maurice
Boisse 1859-1896
Thérèse, née le 10 novembre 1888, Lille, décédée
le 1er novembre 1934, Lille (45
ans).
mariée le 4 septembre 1924, Lille, avec Gaston
Mulliez,
Les Paul Ovigneur 1864-1921
& Marthe Lefebvre 1867-1949
Quelques
personnalités de cette branche (sans liens généalogiques) et alliances:
Mariage de Sabine Ovigneur, née 1900, Lille, mariée, Lille avec Joseph Prouvost, 1896,
Croix, décédé 1965, Paris 7ème, fils de
Georges Louis Prouvost 1866-1926 et Félicie Valérie Dehau 1871-1962
dont
Gisèle Prouvost, décédée 2002, mariée avec Renaud Poinsinet de
Sivry.
Françoise Prouvost, décédée 2004, St Briac (35), mariée avec
Bernard Billaudel, décédé 1977.
Micheline Prouvost, décédée en 1968, mariée avec Louis Rollinde de Beaumont, né en
1918, décédé 2011, cimetière de Coquainvilliers (14) (93 ans).
Josette Prouvost, mariée avec Michel Parent.
Les
Albert Ovigneur 1866-1921
& Berthe
Plaideau 1871-1951
Quelques
personnalités de cette branche (sans liens généalogiques) et alliances:
André Ovigneur, né le 5 novembre 1892, Lille, tué le 27 février 1915,
Mesnil-les-Hurlus (act. Minaucourt-Mesnil-les-Hurlus - 51, Marne) (22 ans),
sergent au 87ème Régiment d'infanterie.
Maxime Ovigneur 1912-1986 &1938 Bernadette van Cauwenberghe 1916-1960 : de ce couple descendent
les actuels Ovigneur : les Christian, Didier, Thierry, Xavier Ovigneur
Et Marguerite Ovigneur1873-1933
&1895 Urbain Daniel Virnot 1869-1951
Descendants de Jean Ovigneur
Jean Ovigneur.
Marié avec Adrienne
Manisent, née en 1646, dont
Marié avec Marie Hélène
Gand.