Quelques notes, sur l’art de la tapisserie

dans les Flandres, notamment lilloises,

et approche de ses liens avec ces grandes familles:

 

Notre recherche et analyse part de ces quelques phrases et constats, en vrac, sur nos familles de Lille, de Roubaix, de Tourcoing, qui conservèrent pendant des siècles la tradition de « Maîtres de Manufactures » puis d’industriels ; notre souhait est de préciser leurs liens avec la fabrication de ces incomparables tapisseries de Flandres, notamment à Roubaix: d’autres en donnerons les rapprochementss nécessaires:

 

1)    " Depuis Charles Quint, les mêmes familles dominent la Fabrique Roubaisienne : Pollet, Mulliez, Prouvost, Van Reust (qui devient Voreux), Leclercq, Roussel, Fleurquin, Florin, Malfait... Elles assurent la majorité de la production." Hill aire-Trénard: Histoire de Roubaix".

2)    Et pourtant, à Lille, sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV, Cabillau, Pennemaker, Destombes, Melter, Werniers (Guillaume Werniers, gendre de Jean de Melter et son successeur, travaillait à Lille en 1701) et autres donnent une grande extension à cette industrie artistique.

3)   Les Prouvost et leurs alliés furent des dynasties de maîtres  de Manufactures; on relevait les familles alliées de Frenne ou Defrenne, Des Tombes:

Liévin de Frenne

se plaça dès l’abord  au premier rang des manufacturiers de Roubaix, négociant, fabricant de tapisseries des Flandres en haute lisse, Né le 25 novembre 1686 - Néchin, Hainaut, Belgique, Décédé le 17 janvier 1743 - Roubaix, Nord, 56 ans, de Pierre de Fresnes 1649-1721 et Jacqueline Dujardin 1656-1695  marié le 23 novembre 1718, Roubaix, Nord, avec Marie Jeanne Roussel

Roussel-Prouvost

1699-1743, dont Marie Henriette 1726-1795 Liévin Joseph 1728-1795 Geneviève 1730, Geneviève 1730-1788.

Liévin Joseph Defrenne, sieur du Gaucquier, négociant, fabricant de tapisseries des Flandres en haute lisse, échevin à Roubaix., Né le 18 avril     1728 - Roubaix, Nord, Décédé en 1795 - Lille, Nord, 67 ans, de Liévin Defrenne 1686-1743 et Marie Jeanne Roussel 1699-1743,  marié le 23 juin 1749, Roubaix, Nord,

de-le-becque

 marié le 23 juin 1749, Roubaix, Nord, avec Augustine Angélique Josèphe Dujardin, dame du Gaucquier 1725-1755, dont

Liévin Joseph 1750-1814. Ursule Henriette Josèphe 1751-1832 Jean Baptiste Joseph 1752-1754, marié le 21 septembre 1755, Roubaix, Nord, avec Augustine Élisabeth Josèphe Prouvost 1731-1801, fille de Pierre Prouvost et Marie-Jeanne de le Becque, dont Jean-Baptiste Joseph 1756-1810, Aimée Augustine 1758-1783, Pierre Joseph 1759-1804, Ursule Angélique Jacobine 1761-1807 Ferdinand Augustin Joseph 1763, Floris Louis Joseph 1766-1826, Eugène Joseph Marie 1767-1768

Marie Angélique 1769-1819, Louis Joseph 1770-1842

 

4)    Charles des Tombes, paroissien de Lannoy, Fils de Jean, parait avoir épousé successivement, a Roubaix, où il  se fixa, deux sœurs : Marie et Catherine Le Comte, fille de Jacques, échevin en 1610 et 1624, la première en 1643, la seconde en 1647. Il  était mort en 1673, ayant eu moins cinq enfants de ses deux: femmes: Jean, l’ainé, s'allia, en 1672, à Marie de Lespaul, fille de Jean II , de la branche cadette, et de Marie Flameng dite Marie Cent-Mille. Aux Pâques de l’année suivante, les deux époux habitaient la Grand’Rue près de l'église du Saint-Sépulcre. Jean des Tombes fut échevin de 1692 à 1711, et eut neuf enfants.

5)    Jean IV Prouvost, époux d'Antoinette Le Blan, née en 1550 ; Ils vivaient à Wasquehal.Leurs enfants furent: Pierre Prouvost épousa Marguerite des Tombes,  dont Jean Prouvost (1630-1670) dont Robert Prouvost (1660-1670), lieutenant de la Seigneurie de Wasquehal, Anne Prouvost épousa Pierre des Tombes, Catherine Prouvost épousa Noël de le Rue, d'une famille connue dès le XIII° siècle, filiation depuis Martin, vivant à Roubaix en 1570.

 

6)     Autre phrase qui nous a interpellé : le duc d'Albe, ce terrible adversaire de la Réforme, parmi les grands personnages qui encouragèrent les arts et les industries somptuaires. A plusieurs reprises, on le voit étendre sa protection sur des artisans qui travaillent pour lui.  A peine installé dans les Pays-Bas, Il  recommande au magistrat de Bruxelles un tapissier, nommé Jean Flameng, ( même nom que la famille nommée ci-dessus) qui n'était probablement pas inscrit sur les registrès de la corporation. L'ouvrage se faisant au palais et pour le gouverneur lui-même, Flameng échappait aux règlements imposés aux gens de métier.

Et nous tentons de comprendre le lien de ces familles avec l’art de la tapisserie car l’art de la tapisserie des Flandres a marqué l’histoire de l’Art et on a tendance à ne retenir que les centres  d’Arras puis de Bruxelles, puis la fabrication en Ile-de-France, dans les manufactures des Gobelins et de Beauvais.

 

Nous pouvons constater que les manufactures de tapisseries étaient aussi dans les Flandres Méridionale, le « Nord » actuel :

Lille, Halluin, Tournai et aussi Tourcoing étaient des centres  de tapisserie, souvent ignorés ou méprisés au profit des autres ,  faute de marques sur les tapisseries.

D’ailleurs , il  existe  des points d'Halluin, points de Flandre, points de Lys, de Gand et de Bruges etc...

Il  nous importait de remettre dans cet ouvrage la lumière sur ces centres .

Annales commerciales et industrielles

de la ville de Lille.

Les chroniques du temps de Charlemagne signalent, au commencement du IX' siècle l’existence de tissages d'étoffes dans la région de Lille. 

Vers l'an 1000, Baudouin IV, comte de Flandre, institue en même temps qu’un atelier monétaire, un marché franc avec une halle pour les transactions commerciales.

En 1270, Marguerite, Comtesse de Flandre, établit des foires qui attirent à Lille de nombreux étrangers. 

Dès 1285, Lille fait partie de la Hanse de Londres.

 

XIV° siècle:

Avant l’année 1400, c'est à peine si on constate l’existence de quelques métiers dans certaines villes de la Flandre. Que Bruxelles, en 1340, ait possédé une corporation de tapissiers, ou plutôt de tisserands de tapis (tapitewevers), que la présence d'un ouvrier de haute lice ait pu être constatée à Tournai en 1352, à Valenciennes en 1364, ou même dès 1325, à Douai quelques années plus tard, à Lille en 1398, cela ne prouve pas. Il  s'en faut, que ces villes possédassent dès cette époque des ateliers en pleine activité. Ce sont là des faits locaux et particuliers , sans influence sur le développement général de l’industrie. On a pu dresser, à l’aide des registres aux bourgeois de la ville d'Arras, une liste de soixante-dix tapissiers, que d'autres  documents permettent de grossir d'une vingtaine de noms. Mais ces registres  ne fournissent aucun détail  sur les oeuvres des artisans cités.

 Au Moyen Âge et jusqu'à la guerre de Cent Ans, l'Il e-de-France est le plus grand producteur de tapisseries dont Paris est la capitale incontestée. Pour en finir d’un coup avec les tapissiers parisiens contemporains de Charles V et de Charles VI, nous donnerons la liste des noms que les comptes et autres  documents font connaitre. Robert Pingon livre, vers 1377, une Passion de Notre-Seigneur, estimée 300 francs, pour la chapelle du duc d'Anjou. En 1386, le même exécutée, pour Philippe le Hardi, une tenture de l’Apocalypse, qui se retrouvera dans l’inventaire dressé après le décés de Jean Sans-Peur. Parfois, il  est employé par le roi Charles VI.

 Les premiers tapissiers qu'on rencontre à Lille sont originaires d'Arras. En 1398, Robert Pousson, reçu à bourgeoisie, est le premier maître hautelisseur lillois de qui le nom soit connu, fils de Henri Pousson. Serait-ce lui qui aurait introduit l’art de la haute lice dans la ville de Lille en 1398? La tapisserie de haute lisse est exécutée sur un métier  portant la pièce verticalement. Le dessin n’est pas modifié par rapport au carton. Symonnet des Champs, Pierre Langlois, Guillaume Mulot, Jean Lubin et Jean Pignie, tons tapissiers parisiens, travaillent alternativement pour le duc d'Anjou, le roi de France ou le duc de Bourgogne, à des ouvrages qui, pour la plupart, ne valent guère la peine d'être cités. Cependant Jean Lubin vend, en 1388, au prix de 450 francs, une tapisserie de « fin fil d'Arras et de fin or de Chypre, à plusieurs ymages de la Passion de Notre -Seigneur, » offerte en présent au duc de Berry. Puis paraissent Simon et Jean Lamoury en 1401 et 1404, Nicolas des Grès en 1406, Jean de Ransart en 1407. Deux autres  artisans, nommés en 1412, étaient venus de Paris. En somme, le dépouillement des anciennes archives de Lille n'a fourni qu'un petit nombre de noms pour le XV° siècle, et tous les renseignements se bornent à de simples mentions de tapissiers.

Au XV° siècle, on ne trouve pas l’indication d'une seule pièce sortie des ateliers lillois . La haute lice alla toujours en dégénérant au XVI° siècle, et finit par être presque complètement supplantée par la sayetterie.

 

Valenciennes

 Les anciennes archives font mention d’un tapissier de Valenciennes des 1325; elles nous ont gardé le nom d'un certain Jean Hont, hauteliceur de la même ville , qui travaillait pour Jeanne de Brabant en 1364, et ceux de deux autres  ouvriers, Thieri, de Reims, et Jean Castelains, natif de Quievrain, établis tous deux à Valenciennes en 1368. Ces faits isolés ne prouvent pas que l’industrie de la tapisserie ait été bien prospère à Valenciennes au Moyen-Age. Les hautelisseurs n'y furent jamais assez nombreux, au XV° siècle, pour former une corporation distincte. C'est tout au plus si on a pu relever de loin en loin quelques noms, soit douze ou quinze au plus, peudant un espace de cent ans et davantage.


Bruges

La ville de Bruges parait avoir été bien plutôt, au Moyen Age, l’entrepôt général de toutes les marchandises flamandes qu'un centre de fabrication. Si on voit figurer sur un compte de dépenses  faites pour le duc de Bourgogne, sous la date de 1376, un certain Colart, de Paris, tapissier de haute lice, demeurant à Bruges, on n'a pu constater d'une manière authentique la présence de métiers dans cette ville peudant le XV° siècle. Les tapisseries achetées à Bruges par les ducs de Bourgogne leur sont généralement vendues par des marchands étrangers ayant un étal - artisans de haute lice qui émigrent dans les pays étrangers à l’époque dont nous parlons, se disent originaires de Bruges. La corporation des tapissiers brugeois ne reçut une organisation propre qu'en 1506. On a donne plus haut l’énumération des riches tentures exposées lors du mariage de Charles le Téméraire, célèbres à Bruges en 1568. Mais nous avons fait remarquer que ces précieuses tapisseries provenaient, pour la plupart, des ateliers d'Arras ou de Tournai.

XV° siècle :

LA TAPISSERIE DEPUIS LA MORT DE PHILIPPE LE HARDI JUSQU'A
LA PRISE DE LA VILLE D'ARRAS PAR LOUIS XI

1404-1477
Jusqu'ici l'art de la tapisserie est resté l’apanage exclusif de quelques grandes cités du centre et du nord de la France.

Le XV° siècle va nous faire assister à la diffusion de la haute lice dans toutes les contrées de l'Europe.
Les archives de Dijon et de Lille sont plus explicites sur les travaux exécutés pour les ducs de Bourgogne pendant le cours du XV° siècle. C'est donc à ces archives que nous devons la meilleure partie des renseignements qui vont suivre.Un chroniqueur contemporain , Jacques du Clerc, raconte que le duc de Bourgogne avait fait décorer l’hotel d'Artois de ses plus belles tapisseries, lors de l’entrée de Louis XI à Paris, en 1461. Parmi ces chefs-d'oeuvre figurait au premier rang la tenture de Gédéon ou de la Toison d'or. Philippe le Bon possédait aussi une tenture de Jason ou de la Conquète de la Toison d'or qui ne le cédait en rien pour la magnificence à celle de Gédeon; on les voit paraitre toutes deux, côte a côte, dans maintes circonstances solennelles où le duc de Bourgogne se plaisait à étaler ses plus précieux trésors. Ainsi figurent-elles ensemble, avec une tapisserie de la Vic d'Hercule, dans la salle du somptueux festin donné à Lille en 1454, festin célèbre dans l’histoire sous le nom de
Voeu du Faisan, En 1466, Philippe le Bon  crut devoir faire honneur à ses hôtes de ses plus riches tentures, et Commines de remarquer la grossièreté des Allemands, s'étendant avec leurs bottes crottées sur les précieuses étoffes recouvrant les lits et les autres  meubles.
Le duc de Bourgogne prit de grandes précautions pour assurer la conservation des trésors amassés peudant sa longue vie. Six de ses officiers, portant le
titre de gardes de la tapisserie, étaient chargés du soin des tentures ; douze valets les assistaient dans leurs fonctions. En 1440, le duc faisait construire un magasin voûté en pierre, destiné spécialement à recevoir ses tapisseries. Quel dommage qu'on ne possède pas un inventaire des trésors de toute nature que Philippe le Bon laissait en mourant! Comme il  est curieux de comparer cette liste à celle de 1420 : Charles le Téméraire, peu après son avènement, en 1469, fit faire un recolement de tous les meubles qui garnissaient ses palais d'Arras et de Lille. Malheureusement ce document si précieux ne nous est pas parvenu.
Le Fils de Phihppe le Bon ne montra pas moins de goût que son père pour tons les raffinements du luxe. Il  fit preuve aussi d'une grande sollicitude pour l’entretien de ces tapisseries qui l’accompagnaient en toute circonstance, dans ses voyages comme dans ses expéditions guerrières. Il  renchérit même sur le faste de ses prédecesseurs, et cette ostentation bien connue, avant de causer la
perte des trésors de la maison de Bourgogne dans les journées de Granson, de Morat et de Nancy, eut parfois des conséquences funestes pour les projets ambitieux de son chef. Si l’état complet des tapisseries du dernier duc de Bourgogne nous fait défaut, nous avons du moins une liste des plus belles tentures conservees dans le garde-meuble de ce prince au moment de sa prospérite. Charles le Téméraire épousait, en 1468, Marguerite d'York. Le mariage fut célébré à Bruges, la reine des villes de la Flandre à cette époque, le grand entrepot du commerce du Nord. Les chroniqueurs contemporains s'étendent longuement sur les fêtes splendides données a cette occasion. L'un d'eux, Jean, seigneur de Haynin, décrit avec un grand luxe de développements la décoration des salles, et entre dans des détail s précis sur les tentures affectées à chacune d'elles. A la grande salle du festin, réunissant les nouveaux époux et les principaux personnages de la cour, avaient été naturellement réservées les suites de Gédéon et de la Toison d’or. Dans la salle du commun, contenant la foule des invités subalternes, étaient placées les tapisseries de la Bataille de Liège, sorte d'avertissement donne aux turbulents bourgeois des ville s flamandes. Une pièce spéciale réunissait les officiers ou chambellans de la maison de Bourgogne; sur les murs s'étalaient le Couronnement de Clovis, le Renouvellement de son alliance avec Gondebaud, le Mariage du roi de France avec la fille du roi de Bourgogne, enfin l’apparition de l’Ange apportant les trois fleurs de lis de France. C'est la plus ancienne mention qu'on connaisse cette Histoire de Clovis, conservée aujourd'hui dans l'église métropolitaine de Reims. Nous y reviendrons tout à l’heure. Les autres  salles de banquet avaient pour décoration l’Histoire de Gar in le Lorrain et celle d'Assuérus, aujourd'hui au musée de Nancy. On avait choisi, pour parer la chapelle, une scène religieuse, la Passion de Jésus-Christ. La chambre de la jeune mariée était décorée de l’Histoire de Lucrèce, tandis que les lits et les meubles étaient reconverts de draps d'or aux initiales de la dame. La chambre du duc aussi était magnifiquement ornée de riches pièces à armoiries et à devises. Sous la domination des princes bourguignons, les grandes cités flamandes virent leur commerce et leur industrie prendre un immense développement. Il  est donc tout naturel que la haute lice ait poussé ses premiers rejetons dans les villes les plus voisines de l’Artois.

Aussi la tapisserie se propage-t-elle rapidement à Valenciennes, Lille, Douai, Bruges, Tournai, et dans les cités voisines ; on sait encore bien peu de chose sur l’histoire industrielle de ces différentes villes .

Raison de plus pour ne négliger aucun des moindres indices recueillis dans les mines et la poussières du passé. Après Arras et Paris, les centres  qui ont joué le principal rôle dans le développement de notre industrie sont incontestablement les villes  de Tournai , de Bruxelles et d'Audenarde. La présence de tapissiers est signalée dans plusieurs autres  cités en même temps qu’ils font leur apparition à Tournai et a Bruxelles; mais ce sont là des faits isolés et d'une importance secondairc.


 ARRAS 

C'est alors que la guerre et le pillage systématique des villes  font fuir les lissiers vers le Nord où ils créent les Ateliers d'Arras. L’Histoire de Saint Piat et de Saint Éleuthère (cathédrale de Tournai) est aujourd'hui la seule tenture conservée dont l'exécution à Arras, en 1402, soit certaine. Arras était si réputée qu'elle donne son nom au mot italien signifiant tapisserie (arazzi). Bruges et Bruxelles étaient également des centres  de production qui fournirent toute l'Europe. La fabrication était apparemment coordonnée par de grands entrepreneurs qui mettaient en relation commanditaires, ateliers et fournisseurs de matière première (par exemple, Nicolas Bataille à Paris qui fournit au duc d'Anjou la tenture de l'Apocalypse). « On peut dire qu'Arras fut la vraie capitale de la tapisserie française. Arras pratiqua la haute lice dès le XIIIe siècle. Sa célébrité fut telle qu'en italien tapisserie se dit "arazzo" au pluriel "arazzi". En anglais, on désigne plus simplement la tapisserie du nom « d'Arras". Ainsi Shakespeare dans Hamlet acte 3, scène 4, indique deux jeux de scène : "Polonius hides behind the arras" (Polonius se cache derrière la tapisserie) et "He lifts the Arras and discovers Polonius" (Il relève la tapisserie et découvre Polonius). Le chroniqueur Jean Froissart (1335-1404) de Valenciennes, relate que Jean Sans Peur, prisonnier des Turcs, dut sa liberté à des tapisseries d'Arras. L'ambassadeur envoyé pour négocier la rançon précisa : "... que l'on prendrait grant plaisance à voir draps de hautes lices ouvrés à Arras, en Picardie, mais qu'ils fussent de bonnes histoires anchiennes". Ceci témoigne du fait que la réputation des tapisseries d'Arras avait atteint l'Orient dès le XIVe siècle. Charles V dit "le sage" encouragea la production par ses fastueuses commandes ainsi que les ducs d'Anjou, de Berry, de Bourgogne. La qualité des oeuvres donnera la première place à la manufacture et ce jusqu'en 1477 (Mort de Charles le Téméraire). Si le duc de Bourgogne délaisse les capitalistes d’Arras et leur commerce, les princes italiens s’adressent à Arras, à Lille et à Tournai. Trois villes  très proches où la production est abondante ; je ne dirai pas villes rivales.  Le fait de la récente frontière qui sépare amicalement Tournai des deux autres villes fait oublier leurs liens du XVème siècle. »

 

Flandre et les Pays-Bas

L'insécurité et le passage de la région à Louis XI firent fuir les lissiers de la ville : après le sac de la ville , les tapissiers refluent vers les Flandres dont ils font leur nouvelle métropole. Véritables artisans travaillant en famille, ils se plaisent à tisser des scènes bibliques, puis, s'inspirant de la traduction de textes grecs et latins, des scènes mythologiques. Il  n'est pas toujours aisé de retrouver l'atelier d'origine d'une tapisserie médiévale. On sait  que si Paris tenait une place importante dans la production,

 la première région était l'Europe du Nord, et en particulier la Flandre et les Pays-Bas.

En 1478, l'échevinage de Lille facilite par une indemnité l'installation d'André Gelleghier, qui donne un grand développement à la fabrication de la sayette, à la teinture et à l’apprét des étoffes. — En 1496, organisation des bourgetteurs et hautelisseurs, séparés des tisserands de toile. « L’histoire de la tapisserie se complique beaucoup à partir de 1415 environ. Il  n’est plus question des ateliers qu’on fait subsister les trois tapissiers, c’est-à-dire les vendeurs de tapisseries de Paris.

 

Tournai

grâce à sa situation géopolitique, la ville de Tournai va devenir partie intégrante du duché de Bourgogne pour devenir une référence dans le commerce de l'industrie tapissière. L'apogée de cette manufacture fut atteinte au milieu du XVIème. Tournai produira des tapisseries jusqu'à la fin du XVIIIème. A Tournai, enclave française dans les états bourguignons, on travailla sur des cartons, des modèles, d'Arras (hélas, les archives furent détruites peudant la guerre 39/45). Cette cité précède toutes ses rivales dans l’organisation du métier qui nous occupe. Pour faire connaitre les tapissiers de Tournai au moment de leurs débuts, il  convient de revenir quelque peu en arrière. Dès 1352, un ouvrier de haute lice, d'Arras, nomme Jean Capars, vient s’établir a Tournai. Le règlement de 1398 est le plus ancien acte d’organisation des tapissiers flamands qui nous soit parvenu. Encore la ville de Tournai appartenait-elle, a cette époque, au domaine royal, et demeura- t-elle française jusqu'en 1513, formant comme une enclave isolée au milieu des Etats du puissant duc de Bourgogne. En 1423, la corporation des hauteliceurs tournaisiens était assez nombreuse pour constituer une des bannières sous lesquelles se rangeaient les métiers. Bien que situés dans une ville francaise, les ateliers tournaisiens travaillèrent surtout pour Philippe le Bon. Nous avons constaté que c'est à eux que s'adressa le duc pour l’exécution de la tenture réputée le chef-d'oeuvre de cette époque, la fameuse tenture de Gédéon.  L'ensemble de la tenture comptait quatorze pièces : huit de vingt-deux aunes de long, et six de seize aunes ; elles avaient toutes huit aunes de hauteur. Le prix était fixe à 8 écus d'or de quarante-huit gros de Flandre par aune, soit 8,960 ecus d'or en tout. La tenture de Gédéon figura dans toutes les cérémonies solennelles de la maison de Bourgogne, puis de la monarchie espagnole. Commandé pour décorer les murailles de la salle où s'assemblait le châpitre de la Toison d'or, elle occupe la place d'honneur, comme on l’a vu , dans les fastes du mariage de Charles le Téméraire. Elle reparait fréquemment sous les règnes de Charles -Quint et de son fils. Elle se trouvait encore à Bruxelles à la fin du XVIII° siècle. On suppose que les Autrichiens, lors de leur retraite en 1794, em- portèrent cette illustre tenture à Vienne. Après  Robert Dary et Jean de L’Ortye, s'il  convient de signaler une famille   nombreuse qui occupa une situation prépondérante parmi les tapissiers tournaisiens de la dernière moitié du XV° siècle, c'est celle des Grenier, nommés aussi Gamier. Le plus ancien des membres de cette dynastie, Pasquier Grenier, vend au duc de Bourgogne, en 1459, une tenture de l’Histoire d’Alexandre, enrichie d'or, et comprenant, outre le ciel, le dossier, la couverture et les gouttières, sept tapis de muraille. Le prix donne une idée de la magnificence de cette oeuvre ; elle ne coûta pas moins de 5,000  écus d'or. On la voit toujours citée parmi les pièces les plus précieuses du trésor de la maison de Bourgogne. Nous en avons déjà parlé plus haut. Le même Pasquier Grenier cède encore à Philippe le Bon, en 1461, six tapisseries de la Passion de Notre- Seigneur, au prix de 4,000 écus d'or. Cette tenture décorait, comme on l’a dit, la chapelle ducale lors du mariage de Charles le Téméraire. Nouvelle livraison d'une chambre en neuf pièces , avec personnages de bûcherons et de paysans, mesurant trois cent cinquante aunes , dans le cours de la même année. L'activité de l’habile tapissier ne se ralentit pas les années suivantes. Il  fournit à son puissant client treize pièces de tapisseries en 1462; une tenture de l’Histoire d’Assuérus et d’Esther, en six panneaux , probablement celle qui parait aux noces du Téméraire , et une autre de l’Histoire du chevalier du Cygne, en trois tableaux, faisaient partie de ce marché. Puis c'est, en 1466, la livraison de deux chambres complètes. Le magistrat du Franc de Bruges, voulant offrir à  Charles le Téméraire un présent digne de ce prince, s'adresse à Pasquier Grenier et lui achète, en 1472, une tenture de la Destruction de Troie. De ce fait, on peut conclure que les productions des ateliers de Tournai étaient alors réputées au-dessus de toutes les autres , et que les tisserands brugeois n'étaient pas de force à se mesurer avec leurs voisins. Un autre membre de la famille  des Grenier, nommé Antoine , vend, en 1497, des tapisseries pour la décoration du palais du cardinal Georges d'Amboise. C'est à Jean Grenier que le duc Philippe le Beau s'adresse quand il  s'occupe d'augmenter la riche collection qu'il  tient de ses ancêtres . Un seul payement s'élève à 2,472 livres. Parmi les tentures faisant partie de ces marchés , sont mentionnées une Histoire du banquet, en six pièces, ne serait-ce pas celle de Nancy? et d'autres  suites plus modestes, à personnages de vignerons ou de bucherons. Jean Grenier est encore appelé à fournir la tenture en six pièces de la Cité des Dames, offerte par le magistrat de Tournai à Marguerite d’Autriche lors de sa nomination au gouvernement des Pays-Bas (1513).
Nous touchons à la limite extrème de la prospérité des ateliers tournaisiens. L'année même où la ville passait sous la domination anglaise, une peste terrible éclatait dans ses murs et enlevait la moitié de la population. L'industrie de la haute lice ne se releva pas de ce coup. Si nous reprenons l’ordre chronologique des faits, interrompu par l’histoire de la famille des Grenier, nous trouvons parmi les noms des personnages pour lesquels travaillèrent les métiers de Tournai celui d'un historien illustre. Les magistrats de la ville offrent, en 1475, à Philippe de Comines, en reconnaissance de ses bons offices, une tapisserie sortant des ateliers de Jean le Bacre; elle coûtait 40 livres. Un don semblable fut fait, en 1481, au seigneur de Lude, gouverneur de Dauphine et commandant de la ville . La chambre de tapisserie de verdure qui lui fut présentée par les magistrats était de la façon de Guillaume Desremaulx ou des Rumaulx. Elle mesurait quatre cent soixante-sept aunes, et fut payée 640 livres. Par ces dons intelligents, les magistrats de Tournai trouvaient le moyen, tout en favorisant l’industrie locale, de s'assurer d'utiles et puissants protecteurs. En 1501 , Philippe le Beau achète de Nicolas Bloyart quatre grandes pièces de tapisserie a plusieurs histoires de personnages, du prix de 442 livres.

Le Fond Mille -Fleurs dans la Tapisserie de la Dame à la Licorne

La tenture est ce qu'on appelle une verdure, ou tapisserie dite « Mille -fleurs », c’est-à-dire chargée d’arbres, de fleurs et de plantes coupées, comme dans un jardin des délices. Le style du fond bleu mille-fleurs constitué par l'îl e, sur laquelle se trouvent les acteurs principaux de la scène (Dame, Servante, Licorne, Lion) regroupe des fleurs plantées "en terre". Quant au style du fond Mille -Fleurs constitué dans l'espace de fond Rouge, il  regroupe des fleurs comme "fraîchement coupées et délicatement posées sur une feuille", rappelant les marges ornées de fleurs, d'insectes et de pierres précieuses que l'on trouve dans certaines enluminures de la même période (à la seule différence qu'elles ne sont pas "ombrées"). Ce décor inattendu a peut-être été inspiré par la coutume de joncher le sol de fleurs coupées, les jours de fête. Les mille fleurs dont le sol est planté, rattachent la tenture à la riche série des tapisseries de la fin du Moyen Age que les textes nomment verdures. L' exemple le plus ancien qui se soit conservé est la pièce armoirée de Philippe le Bon, du musée historique de Berne, faite à Bruxelles peu avant 1466 par Jean Le Haze que nous allons étudier après.

Le licier lillois , fabricant de Lille, Jean Le Haze, (né en 1440? à Lille, † après 1472? à Bruxelles), ou Le Hase, est un tapissier et marchand brabançon originaire de Flandre ; Il  fut appelé par Philippe le Bon à Bruxelles pour tisser vers 1466 une Mille-Fleurs portant les armes et emblèmes du duc de Bourgogne (Musée historique, Berne) et dont la facture est certainement beaucoup plus révélatrice de ce qui se tissait alors à Lille qu'à  Bruxelles.

Mille-Fleurs-Berne-Hase-Lille

La Tapisserie aux Mille fleurs, la plus ancienne et la plus grandiose de toutes les tapisseries aux mille fleurs, réalisée par le lissier lillois Jean Le Haze,

fit partie du fabuleux butin bourguignon. Bruxelles, vers 1466. Musée Historique de Berne.

 

Ascension, fastueux train de vie de sa cour et la chute de Charles le Téméraire qui régna sur les Pays-Bas de Bourgogne et la Bourgogne. Assoiffé de pouvoir, il a fait de son duché l’une des plus grandes puissances de l’occident, assurant le passage de la fin du Moyen-Age à la Renaissance, en réorganisant de manière moderne son administration. Mais, victime de ses ambitions, mal lui en a pris de faire la guerre aux Confédérés, dont il  a sous-estimé les pulsions sanguinaires et la sauvagerie guerrière. C’est l’échec le plus cuisant pour Charles qui perd son campement à Grandson et Morat en 1476, sa vie à Nancy en 1477.

Témoin du passé belliqueux des Fribourgeois, le livre des drapeaux, peint en 1647-48 par le peintre bourguignon Pierre Crolot, contient les drapeaux et étendards exposés jadis à l'église St-Nicolas comme butin de guerre.En 1646, les drapeaux conquis par les Fribourgeois lors de leurs expéditions militaires et exposés à l'église St-Nicolas étant en mauvais état, le Petit Conseil de Fribourg décida de les faire peindre en un livre. Cet ouvrage, appelé "livre des drapeaux" est conservé aux Archives de l'Etat sous la cote Législation et variétés no 53. Les images de ce manuscrit donne un aperçu de ces oeuvres textiles aujourd'hui disparu a des rares exceptions du fait de leur grande fragilité et témoigne du faste des campagnes militaires d'antan où l'on partait à la guerre comme si on allait à un tournoi prestigieux.         

Philippe-le-Bon fit tisser de nombreuses tapisseries en Flandre. Il  commanda notamment huit pièces de tapisserie de verdures à Jehan le Hase, Jean de Haze (1440? à Lille, † après 1472? à Bruxelles), ou Le Hase, tapissier et marchand brabançon originaire de Flandre.

Les liciers de Bruxelles se firent une spécialité de la tapisserie à Mille -fleurs agrémentée d’animaux, d’arbres et de feuIl lages. Ils utIl isaient ou réutIl isaient ces fonds passe-partout, laissant aux peintrès le soin de la partie créative demandée par le commanditaire. Il  est vraisemblable que la tenture de La Dame à la licorne relève d’un tel partage des tâches : l’île bleue et ses mille fleurs, le fond rouge et ses différents animaux appartiennent à l’atelier. Dans certains cas les cartons sont courants, comme les lapins parfois inversés, d’autres  au contraire sont plus subtIl s, comme les animaux éxotiques, d’un dessin plus assuré.

«La tapisserie dite Mille Fleurs correspond à un style décoratif, une esthétique, plutôt qu'une technique spécifique de tissage. Ce décor apparaît probablement dans les années 1450-1460 et se popularise au cours du XVIe siècle.

Ces tapisseries seront essentiellement produites dans les grands centres  liciers du Nord de la France et des Flandres

comme Arras, Lille, Tournai ou Bruges.

PeuthésIl ée, tapisserie du château d’Angers, début XVIe siècle,

Musée du château d’Angers, cliché J.-P. Cassagnes.

 

La tenture d’Angers adopte un fond vert sombre éclairé par de multiples bouquets de fleurs jaunes et rouges, caractéristiques du style des tapisseries dites à « mille fleurs » fort en vogue à l’extrême fin du Moyen Âge.

Ces tentures, produites de façon presque industrielle dans les ateliers des lissiers du nord du royaume de France et dans les villes de Flandres et de Brabant étaient destinées à orner les demeures aristocratiques et princières. La tapisserie, art aristocratique par excellence.

Le goût des bergeries et des pastorales, les petites touches naturalistes, évoquées à Angers par la présence de deux petits lapins dans la bordure inférieure, sont partagés par de nombreuses tentures de l’époque, dont la célèbre Dame à la Licorne, une tapisserie à peu près contemporaine de celle d’Angers. Ces décors champêtres se peuplaient parfois de motifs héraldiques à la gloire de leurs commanditaires et plus rarement, pour les ouvrages de grand prix, de personnages et de scènes historiées souvent accompagnées de légendes en vers les explicitant. Au sommet de la tenture, une inscription en langue française, tissée en lettres gothiques noires sur fond blanc, sert de légende à la scène qu’elle domine.

Les centres  de production se situaient en cette seconde moitié du XVe siècle dans les villes du nord qui se sont reconverties, au cours du XIVe siècle, de l’industrie drapante dans celle de la tapisserie afin d’éviter de laisser des bras sans emploi. Audenarde, Arras, Bruges, Lille, Tournai et surtout Bruxelles s’affirmèrent bientôt comme des hauts centres  de fabrication.

De même à Lille, le licier arrageois Robert Poisson élaborera la tapisserie de "l'Apocalypse" d'Angers.

angers_jerusalem

Un autre lillois, Pierre Delos travaillera les "arazzi"  à Florence pour les Médicis.

 

Ypres

A Ypres, on ne rencontre pas un seul hauteliceur dans tout le cours du Moyen Âge. Il  est à noter toutefois que Francois van der Wichtere, d'Ypres, dessinait, en 1419, les cartons des tapis armoiriés de haute lice destinés à la halle des échevins ; mais on s’adressait pour l’exécution des tentures à Jean de Fevere, d'Arras. Plusieurs autres  peintres d'Ypres ont fourni des cartons de tapis série jusqu'au milieu du XVI° siècle; mais, de tapissier proprement dit, aucune mention.


Amiens et Cambrai

 Un hautelisseur, nomme Jacques Charpentier, parait à Amiens en 1430; un autre, appelé Etienne Leclerc, travailla Cambrai, en 1440, a un tapis décoré des armes du roi de France. Noël de Bery répare, en 1460, des tentures appartenant à la ville de Cambrai.

Audenarde

On ignore la date exacte de l’introduction de la tapisserie à Audenarde. On la fait remonter à la première moitié
du XVI° siècle. Dès l'année 1441, les travailleurs  étaient assez nombreux pour former une corporation. Ils venaient pour la plupart de Tournai. En 1456, les maitres du métier et leurs apprentis se réunissent dans une confrérie placée sous l’invocation de Sainte Geneviève. Malgré l’importance que l’industrie avait prise à Audenarde dès le XVI° siècle, on ne rencontre, dans les anciens documents, que la mention insignifiante de tapisseries louées pour l’entrée des grands personnages. Ce n'est qu’à partir du XVI° siècle que des faits plus précis permettent de suivre le développement de la haute lice dans ce centre de production, un des plus importants de la Flandre.


Bruxelles

Mais ce sont les liciers de Bruxelles qui se firent une véritable spécialité de la tapisserie Mille Fleurs.

Si nous poursuivons cette énumération jusqu'au jour où la ville cesse d'appartenir au roi de France, nous rencontrons, en 1440, un autre tapissier, nommé Arnould  Poissonnier, qui livre d'un seul coup à l’empereur Maximilien, moyennant la somme de 4,460 livres, trois tentures importantes : un Triomphe de Jules César, en huit pièces, contenant quatre cents aunes; une Histoire de gens et bestes sauvages, de trois cent deux aunes; une chambre de Chasse et de Volerie, de deux cent quatre-vingt-dix-neuf aunes. Quand la ville passa sous la domination du roi d'Angleterre , les magistrats ne négligèrent aucune dépense pour disposer favorablement leurs nouveaux maitres. De riches tentures furent offertes au roi et à ses principaux officiers. Une tapisserie du Voyage de Caluce fut acquise pour cette destination de Jean Poissonnier; un autre maitre, Jean Devenin, livra douze pièces représentant les Douze mois de l’année, enfin la Vie d*Hercule, tissée par Clément Sarrasin, était présentée au gouverneur de la ville . Nous en resterons, pour le moment, à cette date fatale de 1543 qui arrachait à la France une de ses plus vieilles et plus fidèles cités. Quatre ans plus tard, il  est vrai, le roi Francois I° devait reconquérir la ville détachée de ses Etats , mais, hélas ! pour trop peu de temps. Nous exposerons, dans les chapitrès suivants, les vicissitudes que devait traverser à Tournai le métier naguère si florissant. Parmi les cités flamandes les plus riches et les plus industrieuses, il  n'en est pas une qui ait joué au Moyen-Âge, dans l’histoire de la tapisserie, un rôle comparable à celui de Tournai, à l’exception, bien entendu, de la capitale de l’Artois.
De même pour Bruxelles; on a prétendu que cette ville avait possédé des ateliers des le XIV° siècle, mais sans donner aucune preuve à l’appui de cette opinion. L'inventaire de Philippe le Bon, dressé en 1420, cite plusieurs tapisseries de Brabant, mais il  ne précise pas le lieu d'origine. En 1448  seulement, les tapissiers se séparent des tisserands, auxquels ils avaient été réunis jusque-là. Leurs statuts portent la date de 1451. Déjà ils étaient assez riches pour posséder sur la grande place une maison à l’enseigne de l’Arbre d'or, qui fut plus tard la Maison des Brasseurs. Leur confrérie avait un autel à Notre-Dame de Sablon.
Le plus ancien tapissier bruxellois dont le nom ait été conservé est Jean de Haze ou de Rave, qui travaillait de 1460 à 1470. Son atelier jouissait d'une bonne réputation, car le duc de Bourgogne lui achète, en 1466, huit pièces décorées de ses armoiries tissées en or, pour la somme de 2,131 livres. La même année, Philippe le Bon s'adressait encore à Jean de Haze pour lui demander une tapisserie de l’Histoire d'Annibal ne mesurant pas moins de cinq cent sept aunes ; elle fut offerte au pape Paul III.
Un peintre du mérite le plus éminent, qui travaillait à Bruxelles au milieu du XV° siècle, parait avoir exercé sur le développement de l’industrie de la haute lice une influence considérable. On doit à M. Wauters cette curieuse observation que
Rogier van der Weyden avait sa demeure tout a coté de la maison où se faisaient la vérification et le plombage des tapisseries. N'y eût il  là qu'une coïncidence toute fortuite, elle serait au moins singulière. De plus, Carel van Mander dit avoir vu à Bruges plusieurs toiles sur lesquelles étaient représentées, de la main du célèbre artiste, de grandes figures peintes à la colle ou au blanc d'oeuf. Ces toiles, ajoute l’historien de la peinture, servaient à garnir les salles comme des tapisseries. Ce passage a souvent été  invoqué pour prouver que Rogier avait dessiné des cartons de tapisseries. C’est peut-être tirer d'un fait exact une interpretation excessive. Il  s’agit simplement ici, nous semble-t-il , de veritables toile s peintes, comme celles de Reims, fort employées la fin du XV° siècle dans la décoration des églises ou des châteaux. On a attribué à notre artiste, sans plus de certitude, les modèles de certaines tentures conservées a Madrid. Ce qui semble certain, c'est que la fameuse tapisserie de Berne, qui passe pour avoir appartenu à Charles le Téméraire et représenté la Justice de Trajan et l’histoire d'Herkinbald, offre la reproduction fidèle de peintures célèbres de Rogier van der Weyden, autrefois placées à l’hôtel de ville de Bruxelles.

Gand

Dès l’année 1453, la ville de Gand, puissante entre les vieilles cités flamandes par le nombre et l’organisation de ses métiers, possédait une corporation de tapissiers de haute lice. Le registre des réceptions, allant de 1461 a 1496, a été conservé. Il  ne contient qu'une sèche énumération de noms propres. Les tentures, sorties des ateliers de Gand , soit au XV° siècle , soit même sous le règne de Charles -Quint, paraissent n'avoir jamais joui d'une grande réputation. Elles consistaient surtout en verdures. En 1478, Pierre van Boxelaere, de Gand, livre au magistrat  du Franc de Bruges une petite tapisserie décorée d'un écusson aux armes de France.


Middelbourg

L’histoire de Middelbourg en Flandre offre une particularité singulière. Cette ville fut fondée, en 1465, sur des terrains dépendant de l’ancienne abbaye du même nom en Zélande, par Pierre Bladelin, seigneur de la cour de Philippe le Bon, fort en faveur auprès de son maître. Pour attirer les habitants et favoriser le développement de la naissante cité, Bladelin y établit une foire franche. Aussi vit-on les citoyens de Dinan y affluer après le siège et le sac de leur ville natale, en 1466. C’est à ce moment que la haute lice fait son apparition à Middelbourg, dont les tapissiers reçurent les encouragements du duc de Bourgogne. Charles le Téméraire achète, en 1470, une verdure de six pièces à Brice le Bacquere, au prix de 21 sous l’aune; une autre verdure de trente-cinq aunes à Melchior le Wede. Ces deux artisans, fixés a Middelbourg, étaient probablement originaires de Tournai. L'inventaire des meubles et tapisseries du château de Middelbourg, dressé en 1477, après la mort du successeur de Bladelin, énumère de nombreuses pièces de tapisserie : dans le nombre figurent plusieurs verdures qu'on peut attribuer aux ateliers de la ville . La prospérité de cette fabrique dura peu. Les guerres qui ensanglantèrent la Flandre peudant les règnes de Maximilien d'Autriche et de Philippe le Beau entrainèrent probablement sa ruine.

Mons, Alost

On a constaté la présence de métiers de haute lice à Mons et à Alost vers la fin du XV° siècle, sans que cette industrie ait jamais jeté de profondes racines dans ces deux villes . La corporation des tapissiers d' Alost, établie en 1496, prolongea son existence jusqu'au XVII° siècle.


Enghien

La ville d'Enghien faisait partie des domaines de l’illustre Maison de Luxembourg. Ses tapissiers acquirent une certaine réputation. Enghien figurait parmi les centres les plus importants de fabrication sous Charles-Quint. L'établissement des métiers de haute lice remonte au XV° siècle. En 1479, un tapissier de la ville, Etienne van der Bruggen, vend six cents aunes de tapisserie, du prix de 460 livres, pour le compte de l’archiduc d'Autriche. Philippe de Clèves, époux de Françoise de Luxembourg et seigneur d'Enghien, acheta dans cette ville, en 1504, une série de tentures dont le prix fut payé en partie par les magistrats municipaux. Une tapisserie de huit mètrès de large, portant les armes de ce seigneur et représentant le Roi Modus et la reine Ratio accompagnés de leur cour, est conservée à l’hôtel d'Arenberg, à Bruxelles. La prospérite des ateliers d'Enghien date du XVI° siècle; des statuts lui furent octroyés par Philippe de Clèves en 1513. Vingt ans plus tard , la corporation était assez nombreuse et assez riche pour faire les frais d’une teinturerie à son usage.

 

XVIème siècle

LA TAPISSERIE DEPUIS LA RUINE DES ATELIERS D'ARRAS
JUSQU'A L'ABDICATION DE CHARLES-QUINT
1477-1555

 

environ 12.000 personnes de la région du Nord travaillaient dans cette industrie. Un siècle plus tard, Ils sont 20.000.

Les plus grands artistes de l’époque en font les dessins (Rubens…).

 En Belgique, la Manufacture royale de tapisserie De Wit, à Malines et Chaudoir, à Bruxelles. Audenarde ainsi que Grammont (Geraardsbergen) et Enghein, sont mondialement connus pour les Verdures, (tapisseries d'Audenarde de Grammont et d'Enghien ). Sur le site web de la ville d'Audenaerde est fournie une présentation des techniques de restauration. Cette activité joua un grand rôle dans l'histoire de la ville .

Nous arrivons à la phase la plus brillante de l’histoire de la haute lice. Après avoir atteint, dans les premières année du XVI° siècle, son complet épanouissement , la tapisserie ne tardera pas à avoir un haut degré de perfection auquel elle est parvenue. Des efforts seront tentés à plusieurs reprises pour lui rendre son ancienne splendeur; jamais elle ne retrouvera des conditions politiques ou économiques aussi favorables que sous le règne de Charles- Quint pour donner les résultats merveilleux qu'elle produisit alors. Du XVI° siècle date aussi l'apogée des ateliers de Bruxelles. En aucun temps, en aucun pays ne se présente rien de comparable à la prospérité des tapissiers bruxellois peudant cette période glorieuse. Toutefois, si Bruxelles éclipse, peudant un demi-siècle environ, toutes les villes rivales par le nombre de ses ouvriers, l’activité de ses métiers, l’importance de sa production, les vieilles cités flamandes ne renoncent pas à la lutte. L’Italie et la France ne négligent rien pour disputer la suprématie aux ateliers bruxellois. Désormais la tapisserie est partout appreciée, partout recherchée, et les nations qui marchent à la tête du progrès n'épargnent ni le travail   ni la dépeuse pour s'affranchir du tribut payé  jusque- là aux provinces septentrionales.L'édit impérial de 1544 consacre et complète les règlements antérieurs. C'est le statut fondamental en quelque sorte de l’industrie flamande pour les temps modernes. Il  convient donc d'indiquer ses dispositions essentielles. Charles-Quint avait étendu à toutes les villes des Pays-Bas les prescriptions imposées auparavant aux seuls tapissiers de Bruxelles. La fabrication de la haute et de la basse lice était interdite en dehors de Bruxelles, Louvain, Anvers, Bruges, Audenarde, Alost, Enghien, Binche, Ath, Lille, Tournai et des autres  cités franches, où le métier était réglé par les ordonnances.

 
PREMIERE MOITIE DU XVI° SIÈCLE
L'édit entrait dans des détails  techniques sur les matières employées, soit pour la chaîne, soit pour la trâme. Il  renouvelait les prescriptions de l’ordonnance de 1528 au sujet de la double marque, l’une propre à la ville , l’autre au fabricant. Les peines les plus sévères étaient prononcées contre les moindres contraventions. Un privilège exorbitant était établi au bénéfice des villes d'Anvers et de Berg-op-Zoom, dont les négociants étaient constitués, à l’exclusion de tous autres , seuls entrepositaires et courtiers de la vente des tapisseries. Cette réglementation excessive et vexatoire devait avoir de funestes conséquences. Ses effets ne tardèrent pas à se faire sentir. Tandis qu'auparavant les habitants de la campagne occupaient les longs loisirs de la mauvaise saison en travail  lant à des ouvrages commandés par les chefs d’atelier de la ville voisine, cette ressource leur fut désormais enlevée. On eut beau apporter dans la pratique quelques adoucissements aux rigueurs de l’interdiction , les résultats de l’ordonnance n'en furent pas moins désastreux. Les persécutions causées par l’introduction de la Réforme dans les Pays-Bas achevèrent l'oeuvre commencée par l’édit de 1544, et l’industrie naguère si florissante était profondément atteinte au moment de l’abdication de Charles-Quint. Une ordonnance de 1563 « sur le fait du métier de tapisserie de haute lice, tapisserie et bourgetterie », ajoute aux principaux centres  de production énumérés dans l’édit de Charles-Quint les villes suivantes :

 Arras, Courtrai, Douai, Gand, Grammont, Lannoi, Orchies, Termonde, Valenciennes et Ypres. D'autres  cités enfin sont indiquées dans des documents judiciaires de la même époque comme possédant quelques métiers. Alexandre Pinchart a relevé les noms de Binche, Diest, Hal, Leembeck et Tirlemont. Empressons-nous de reconnaitre que cette mention est à peu près tout ce qu'on sait de l’industrie de ces villes .

L’habileté et l'immense réputation de Guillaume de Pannemaker, dont la place est marquée dans le Pantheon des célébrités bruxelloises, à côte de Pierre van Aelst et de Pierre de Pannemaker.

 

Tournai,

Tournai vient d'atteindre, au début de la Renaissance, l’apogée de son développement. Nous avons montré l’importance de ses métiers peudant le cours du XV° siècle. Mais une terrible catastrophe va leur porter un coup fatal. En 1513, la peste enlève à la ville la moitié de sa population. Peu de temps apres, Tournai passe sous la domination des Anglais. Pour ne pas interrompre l’ordre des faits, on a réuni plus haut les détail s  connus sur les tapissiers du commencement du XVI° siècle, notamment sur cette famille  des Grenier, qui parait avoir occupé la première place parmi les hauteliceurs tournaisiens. La double catastrophe de l’année 1513 marque les débuts de la décadence. Toutefois la vieille cité ne reste pas longtemps au pouvoir des Anglais. En 1517, elle rentre sous la domination du roi de France, et, quand le maréchal de Chatil lon vient en prendre possession au nom de son maître, il  reçoit en présent, suivant une vieille coûtume dont on a cité déjà plusieurs exemples, une tenture en huit pièces representant l’Histoire de Banquet. Cette tapisserie avait été commandée, en 1519, à Jeanne Le Franc, veuve d'un maître de la ville de Tournai, nommé Nicolas de Burbur. Mais la France ne devait pas garder longtemps cette importante possession. En 1521, Tournai était définitivement perdue pour François I et passait sous la domination de Charles-Quint, au grand regrêt des habitants. Les magistrats firent preuve de leur profond attachement à leur ancienne patrie en commandant au seigneur de la Motte, lieutenant du gouverneur, lors du départ de la garnison française , plusieurs pièces de tapisseries en témoignage de leur reconnaissance pour les services par lui rendus a la ville . A dater de ce moment, les tapissiers deviennent de moins en moins nombreux à Tournai. C'est à peine si on rencontre les noms de quelques fabricants de haute lice peudant tout le cours du XVI° siècle. L'évèque Charles de Croy fait don à son église d'une Histoire de Jacob, exécutée par Jean Martin Lejeune, tapissier tournaisien. Une pièce de cette tenture, encore existante, porte le mIl lésime de 1554. La ville de Tournai figure parmi les grandes cités industrielles en dehors desquelles l’édit de 1544 interdisait la fabrication de la tapisserie. Toutefois les statuts de la corporation des hauteliceurs, souvent renouvelés et confirmés , ne font pas mention d'une marque propre aux ateliers tournaisiens. On attribue a ces ateliers certaines tapisseries portant une tour crénelée ; c'est le blason de Tournai qui serait ainsi devenu le signe distinctif des pièces exécutées dans la ville . Mais cette attribution, empressons-nous de le dire, ne repose que sur de simples conjectures. La Réforme, qui trouva beaucoup d'adeptes dans le Tournaisis, porta, comme on le verra bientôt, le dernier coup à l’industrie de la haute lice. Beaucoup d'habitants, convertis aux nouvelles doctrines, furent obligés de prendre la fuite ou subirent le dernier supplice. Parmi ces victimes de leur foi figurent un certain nombre de tapissiers.

Bruges.

L'organisation des tapissiers de Bruges ne date que de 1506. Auparavant, cette ville possédait certainement des métiers de haute lice. On a vu que les quatorze pièces de la Vie de Saint Anatole, commandées en 1502 pour l’église de Salins, sortaient d’un atelier brugeois dont le chef se nommait Jehan de Welde, ou Sauvage, traduction française du nom flamand , comme le relate l’inscription qui se lisait jadis sur le dernier panneau , Peu après sa constitution , la corporation des tapissiers obtenait la cession de l’hôtel de Sainte- Catherine, dans l’église Saint- Gilles. Les artisans brugeois travaillent souvent à la décoration de la salle du Franc de Bruges. C'est à cet usage que sont destinées les tapisseries livrées, en 1507, par Jean de Louf et Jean Saillie. Antoine Segon vend, en 1529, pour la même destination, cinq pièces ornées de feuil lages, avec bordures, d'après les cartons de Guillaume de Hollandere. La corporation des peintres, voulant décorer la chapelle de la gilde, commande, en 1525, à Jean Bory, une Vierge en tapisserie d'après le modèle de Guillaume Walhec ?. Quelques années plus tard (1534), le peintre brugeois Lancelot Blondeel passe marché, devant les échevins, pour l’exécution de trois cartons de tapisserie tirés de la Vie de saint Paul et de deux autres  représentant la Mort et l’Assomption de la Vierge. On ignore quel atelier fut chargé de l’éxécution de la tenture. Alexandre Pinchart est parvenu, après de longues recherches, à dresser une liste de quarante-un tapissiers brugeois pour la période comprise entre les années 1501 et 1583.

 

 

Lille, Valenciennes.

 Les grandes villes de la Flandre méridionale, Lille et Valenciennes, ne paraissent pas avoir possédé d'ateliers de haute lice au XVI° siècle. On voit apparaitre, il  est vrai , quelques rares tapissiers à Valenciennes peudant cette période; ce sont généralement des criminels venant chercher un asile ou des fugitifs chassés par les persécutions religieuses. Cela ne saurait constituer une industrie locale sérieuse. Un ouvrier de haute lice, nomme Philippe Blanchard, fixé à Cambrai en 1559, était originaire de Valenciennes.


Orchies et Lannoy.

Parmi les protestants qui cherchèrent un refuge à Valenciennes se trouvent deux artisans originaires d'Or-
chies; c'est tout ce qu'on sait des ateliers de cette petite localite. Sur les listes des réformes figure un tapissier de Lannoy, sur lequel on manque d'ailleurs  de renseignements.

Béthune.

Un document de 1505 a conservé le nom d'un tapissier de Béthune à qui on acheté deux tapis pour le compte
de Philippe le Beau. Il se nommait Matthieu Legrand.

Ath, Louvain, Binche

Les villes d'Ath, Louvain, Binche, sont citées dans l’édit de 1544 parmi les centres autorisés de fabri-
cation ; c'est le seul témoignage qu'on possède sur l’existence de ces modestes ateliers.

Grammont , Lessines, Courtrai.

 La ville de Grammont avait profité du voisinage d'Audenarde; le trop-plein de l’industrieuse
population s'était répandu dans les localités environnantes ; ainsi s'étaient fondés un certain nombre de métiers dans des villages ou des villes de peu d'importance. On a constaté la présence d’hauteliceurs à Grammont et à Lessines en 1520, à Courtrai en 1562. Les tapissiers de Grammont, organisés en corporation en 1544, sous le patronage de Saint Laurent, se firent connaître surtout par leurs longs démélés avec leurs voisins d'Audenarde. Ils ne paraissent pas avoir survécu aux troubles religieux de la fin du XVI° siècle.

Gand.

 Les ateliers de haute lice ne furent jamais bien nombreux à Gand; Cependant les noms de quelques tapissiers gantois ont été conservés dans les archives de la ville . Un certain Pierre Péterzom loue aux magistrats, en 1508, plusieurs pièces de tapisserie pour décorer la salle du chateau où se réunirent les états généraux de la province, convoqués par Marguerite d'Autriche. Un autre tapissier gantois, Gerard van der Straten, passe marché, en 1531, avec Guillaume de Ram, d'Anvers, pour la livraison d'une suite de douze pièces représentant des sujets de chasse. Si les artisans de haute lice ne furent pas nombreux à Gand, Ils figurèrent parmi les métiers les plus turbulents. Lors de l’insurrection de 1539, les tapissiers paraissent au premier rang des révoltés. A la suite de cet évènement, beaucoup d'entre eux furent réduits à s'expatrier et privèrent ainsi leur ville natale de ses meilleur s ouvriers. Il  ne fut pas possible de les remplacer. Les troubles populaires qui livrèrent Gand à l’anarchie, de 1576 à 1586, achevèrent la ruine des métiers subsistants. Un artiste gantois, ne en 1534, le peintre Luc d'Heere, exécuta de nombreux dessins pour les verriers et les tapissiers. Il  travail la notamment pour la reine Catherine de Médicis et séjourna longtemps a Fontainebleau.

Alost,

Les tapissiers d'Alost se trouvaient, en 1496, assez nombreux pour former une corporation. Ils se placèrent sous le patronage de Sainte Genevieve. Alost figure parmi les villes auxquelles l’édit de 1544 permet la fabrication de la tapisserie. Ici, comme dans le reste des Flandres, l’industrie somptuaire reçut une grave atteinte des troubles religieux de la fin du XVI° siècle.

Enghien.

Les tapissiers d'Enghien et d'Audenarde, les deux centres  où l’industrie de la haute lice atteignit le plus grand développement après Bruxelles , ont laissé dans les textes contemporains des traces sensibles de leur activité. Marguerite d'Autriche prodigua ses encouragements aux artisans d'Enghien. Elle achète, en 1524, de Laurent Flaschoen, fabricant de cette ville , une tenture en six pièces, à ses armes, au prix de 18 sous 2 gros l’aune, pour l’offrir en présent à l’église des frères précheurs de Poligny, en Bourgogne. L'année suivante, le même artisan fournit quatre autres  tapisseries armoriées destinées à l’église Saint-Gommaire, à Lierre. Nouvelle livraison, en 1528, de deux pièces pour un couvent de religieuses de Gand. Un marché, passe le 30 Janvier 1528, avec Henri von Lacke, donne une idée du genre particulier fabrique dans cet atelier. Il  s'agit de verdures étoffees d'animaux, payées sur le pied de 40 sous de gros l’aune. La fabrication d'Enghien avait probablement beaucoup de rapport avec celle d'Audenarde. La reine Marie de Hongrie s'approvisionna souvent chez les artisans d'Enghien ; on a cité des preuves catégoriques de cette faveur qui se continue sous Marguerite de Parme. Cette princesse achète, en 1559, huit tapisseries d'Enghien au marchand bruxellois Nicolas Helleine. Bien qu'on ne soit pas parvenu a détérminer la marque distinctive des pièces tissées dans les ateliers d'Enghien, il  résulte des documents contemporains que ces ateliers étaient classés, pour l’importance de la fabrication , immédiatement après ceux de Bruxelles et d'Audenarde. On a sur ce point le témoignage formel d'un ambassadeur vénitien dans les Pays-Bas, sous la date de 1551, Guicciardini et d'autres  historiens confirment le fait. Les inventaires aussi parlent souvent de tentures d'Enghien. Il  semble enfin que les habitants des villages environnants trouvèrent dans la pratique de la haute lice une précieuse ressource, dont ne purent les priver, du jour au lendemain, les clauses draconiennes de l’édit de 1544.

Audenarde.

Les choses se passèrent à peu près de la même façon à Audenarde. Beaucoup de tapissiers domicil iés aux alentours de la ville , et qui avaient continué tranquillement l’exercice de leur profession malgré les prescriptions de l’ordonnance de 1544, n'abandonnèrent leur pays qu'en 1566, pour cause de religion. Si les comptes des ducs de Bourgogne ne contiennent pas une seule mention des tapissiers d'Audenarde, de nombreux textes attestent l’activité de leurs ateliers pendant le XVI° siècle. Des ordonnances promulguées en 1515, en 1520, et les années suivantes, entrent dans des détails  de fabrication fort précis, s'appliquant aussi bien aux métiers d'Enghien et de Tournai qu’à ceux d'Audenarde. En 1539 parait une ordonnance de la reine Marie de Hongrie, ayant pour objet de réprimer les fraudes de plus en plus fréquentes. Ainsi qu'on l’a fait remarquer, c'était le principal but du fameux édit de 1544, à la suite duquel chaque centre manufacturier dut prendre une marque spéciale. Le magistrat d'Audenarde choisit alors un écusson jaune, traverse de trois barres rouges et couche sur une paire de lunettes brisées. On a vu plus haut qu'en 1539 la tapisserie faisait vivre, à Audenarde et dans les communes environnantes , de douze a quatorze mille ouvriers, en y comprenant, à coté  des tapissiers proprement dits, les femmes, les enfants et les personnes occupées à la préparation et à la teinture des laines. Le rapport des ambassadeurs vénitiens, cité plus haut au sujet d'Enghien, et les témoignages des historiens s'appliquent également à Audenarde. Nous donnons ici le fac- simile d'une pièce curieuse, récemment découverte dans les archives de Bruxelles, sur laquelle sont des- sinées les marques de vingt-quatre chefs d'ateliers appartenant à la ville d'Audenarde. Le dessin est accompagné du nom des tapissiers qui signaient ainsi leurs oeuvres. Les noms de deux de ces artisans, retrouvés sur des pièces datées, permettent de fixer l’époque de la confection de ce document précieux. Il  aurait été composé entre 1540 et 1550. Des observations qui précèdent, il  résulte que le nombre des pièces produites par les manufactures d'Audenarde, jusqu'au commencement du règne de Philippe II, peut s'évaluer à plusieurs milliers. C'était d'ailleurs  un genre assez commun, des verdures d'un ton jaunâtre, peuplés de bêtes sauvages, ou de sujets à personnages d’un dessin lourd et vulgaire. Audenarde, comme Enghien, parait avoir eu la spécialité des tentures à bon marché. Le bénéfice devait être assez mince; de la nécessité pour les ouvriers de produire rapidement. Les troubles religieux portèrent un coup sensible à cette industrie florissante. Les habitants de la ville avaient pris part à la révolte des Gantois en 1539, révolte durement réprimée par Charles- Quint. Après les fureurs iconoclastes des protestants fanatisés, beaucoup de tapissiers d' Audenarde, compromis dans ces actes de vandalisme, durent chercher un refuge à l’étranger, et subir la confiscation de leurs biens. Parmi les pièces saisies en cette circonstance sont citées l’Histoire de Jacob, celles d'Isaac, de David et d' Alexandre le Grand. Le trésor impérial de Vienne renferme, on a eu occasion de le remarquer plus haut, une Histoire de David portant la signature d'Arnould Cobbaut, d' Audenarde. Bien que les tapissiers d'Audenarde fussent nombreux, peu d'entre eux, semble-t-il , s'elevèrent au-dessus de la médiocrité. Ils étaient plus industriels qu'artistes et travail  laient surtout pour le commerce extérieur, dont le principal marché se trouvait a Anvers. Aussi possède-t-on peu de détail s  sur les tapissiers de cette ville pris individuellement, et ne connait-on guère leurs noms. Voici d'autres  détails que le depouillement des archives locales a mis au jour: en 1545, le magistrat paye au peintre Guillaume Hoste la somme de 24 sous parisis pour les patrons d'un grand tapis de cheminée et de coussins commandés au tapissier Louis de Weelf, le tout destiné à l’hôtel de ville . Dès 1504, un autre fabricant, Philippe van Home, avait fourni douze banquiers de tapisserie de verdure pour le compte de l’archiduc Philippe le Beau. C’est une des rares circonstances où on voit un grand personnage s'adresser à des tapissiers d'un ordre inférieur. Signalons encore le nom de Jacques Colpaert, qui vend, en 1536, une tapisserie d'autel, c'est-à-dire une pièce sortant un peu du genre impose par l’habitude aux métiers d'Audenarde. Les tapisseries de cette provenance sont aisément reconnaissables. Leur coloration d'un vert jaunâtre, s'étendant aux animaux ou aux petits personnages, les distingue à première vue. Le règne de Charles -Quint marque ainsi l’apogée de la fabrication flamande, concentrée surtout dans les villes de Bruxelles et d'Audenarde. Cette industrie s'est propagée peu a peu dans toutes les villes des Pays-Bas espagnols; elle s'étend même aux campagnes ; mais nulle part elle n’a  jeté  un aussi vif  éclat et pris un aussi grand développement qu'à Bruxelles, qui n'a pas de rivale pour les tentures fines relevées d'or et d'argent, et à Audenarde, le principal centre de fabrication de verdures communes destinées au commerce courant.

FRANCE
Les ateliers de haute lice francais subissent durant tout le XVI° siècle le contre-coup du succès croissant de leurs voisins. Ils végètent obscurément. A peine, à force de recherches, a-t-on pu recueillir quelques indices sur leurs travaux. Une grave transformation dans les conditions du travail   va exercer sur leur destinée une influence considérable. Nous voulons parler de la substitution des manufactures royales, entretenues par le souverain, ne vivant que par lui et pour lui, aux ateliers indépeudants, cherchant à se soutenir par l’initiative privée et la libre concurrence. La France dû sans doute aux efforts persévérants de François I et de ses successeurs de magnifiques résultats. L'art de la tapisserie se maintiendra ainsi chez nous à un rare degré de perfection, alors que la décadence sera complète chez nos voisins; mais il  ne constituera plus désormais une des branches importantes du travail   national. N'eût-t-Il  pas mieux valu , au lieu de créer ces manufactures royales, installées et entretenues  à grands frais, par François 1° à Fontainebleau, par Louis XIV aux Gobelins, attirer et retenir  en France, au moyen de privil èges et d'avantages de toute nature, les plus habiles ouvriers etrangers, en leur laissant la libre exploitation de leurs talents, mais en leur assurant, par de fréquents achats, le placement de leurs oeuvres? Plusieurs villes des Pays-Bas recoururent avec succès à cet expédient pour entretenir  les derniers restes d'une industrie expirante. A plus forte raison eût-il  réussi avec les ressources dont disposaient nos souverains. Mais ils consultèrent plutôt leurs goûts que les vrais besoins du pays, et ils contribuèrent ainsi involontairement, en concentrant tous leurs soins sur une institution qui était leur oeuvre et leur chose, à décourager les derniers efforts faits pour résister à l’écrasante concurrence de l’étranger.

 


Fontainebleau.

La première manufacture royale de tapisseries date de Francois I°. Elle est installée vers 1530 dans le palais
de Fontainebleau,


LA TAPISSERIE DEPUIS LA MORT DE CHARLES-QUINT
JUSQU'A LA FIN DU XVI° SIÈCLE
1555-1600

PAYS-BAS
La seconde moitié du XVI° siècle est une période néfaste pour toutes les industries qui vivent du luxe et ne prospèrent que peu- dant la paix. Les guerres civiles, les persécutions religieuses couvrirent de ruines les Pays-Bas espagnols. La partie la plus labo- rieuse de la population, réduite à s'expatrier, porta chez l’étranger ses talents et ses secrets. Aux causes générales de décadence que nous venons de rappeler se  joignent d'autres  motifs particuliers , tels que la négligence des tapissiers, la pénurie de bons modèles, la substitution du procédé de la basse lice à celui de la haute lice. Encore ne faut-il  pas exagérer les choses. Pendant de longues années, les tapissiers de Bruxelles, d’Audenarde, d'Enghien et des autres  centres  flamands resteront sans rivaux en Europe. Ils ne perdent pas tout d*un coup les qualités qui avaient fait leur supériorité, et c’est à eux que s'adresseront longtemps encore les souverains ou les princes dans les circonstances importantes. Il  est assez étrange de voir figurer le duc d'Albe, ce terrible adversaire de la Réforme, parmi les grands personnages qui encouragèrent les arts et les industries somptuaires. A plusieurs reprises, on le voit étendre sa protection sur des artisans qui travaillent pour lui. A peine installé dans les Pays-Bas, il  recommande au magistrat de Bruxelles un tapissier
, nomme Jean Flameng, qui n'était probablement pas inscrit sur les registres  de la corporation. L'ouvrage se faisant au palais et pour le gouverneur lui-même, Flameng échappait aux règlements imposés aux gens de métier. La fameuse tenture sur laquelle Guillaume de Pannemaker représenta pour Charles-Quint les principaux épisodes de la conquête de Tunis parait avoir produit une profonde sensation lorsqu'elle parut; aussi eut-elle de nombreux imitateurs. Il  serait difficIl e de donner beaucoup de détail s  sur l’histoire des ateliers de haute et de basse lice peudant les troubles religieux de la fin du XVI* siècle. Tous les métiers souffrirent vivement le contre-coup de cet état de lutte permanente, et les industries somptuaires ne furent pas les moins éprouvées. Nous résumons ci-après les renseignements recueil  lis dans les documents contemporains sur la destinée des différents centres  de production pendant le règne de Philippe II .

Audenarde.

Prise en 1572 par les gueux de bois que commandait Jacques Blommaert, ancien tapissier enrôlé sous la bannière du prince d'Orange, et livrée au pillage, la ville d'Audenarde eut à souffrir plus qu'aucune de ses voisines de la guerre civile. Occupée en 1578  par les Gantois révoltés , reconquise enfin par le duc de Parme en 1582, elle se trouvait à moitié ruiné à la fin du XVI° siècle. Combien restait-il  des nombreux métiers qui faisaient naguère son orgueil  et sa fortune? Nous ne le savons pas au juste; mais leur nombre était considérablement réduit, dépendant, en 1582, pour se bien faire venir de son nouveau maitre, la ville d'Audenarde offrait au duc de Parme une riche tenture de l’Histoire d' Alexandre le Grand, payée 2,000 florins à Josse de Pape. La fabrication de la tapisserie ne reprend quelque activité à Audenarde qu'au commencement du siècle suivant, sous la domination des archiducs Albert et Isabelle, et grâce aux sages mesures prises par l’administration communale.

Tournai. 

Cette cité, comme on l’a dit, ne fut éprouvée autant par les persécutions religieuses que celle de Tournai ; dans ces petites localités, on donne souvent le nom d'artisans de haute lice à des simples fabricants de sayetterie. Ainsi les diverses ordonnances concernant les métiers de Mons, qui portent les dates de 1551, 1585 et 1593, s'appliqueraient plutôt à des tisserands d'étoffes, sayetteries ou autres , qu'à des tapissiers proprement dits. L'admission de ces derniers dans des corporations comprenant aussi d'autres  métiers n’est pas faite pour dissiper les confusions.

Lille.

A Lille, les hauteliceurs, qui étaient au nombre de vingt-deux en 1539, ne formaient qu'une corporation avec les bourgeteurs  et les tripiers de velours. Une ordonnance rendue dans cette ville, en 1595, prouve que notre industrie y comptait plusieurs représentants. Cette ordonnance interdit le métier de la haute lice à tout individu qui n'était pas franc-maitre de Lille ou de Douai, et astreint tous les tapissiers de la localité à coudre ou leur enseigne ou leur nom sur les pièces fabriquées par eux.

Valenciennes.

Les archives du sanglant conseil des troubles mentionnent un certain nombre de tapissiers de Valenciennes
bannis en 1567 et 1568. Ils se nomment Bon Mesnaige, Jean le Clerc, Josse Nisse, Holland Balland, Jean Belval et Alexandre Sandrin.

Anvers

La ville d'Anvers fut plutôt un entrepôt, un marché de vente, qu'un centre de fabrication. Elle parait cependant avoir possédé quelques ateliers; mais ils n'eurent jamais une grande importance. Les tapisseries vendues a Anvers provenaient presque toutes des autres  cités flamandes. Aussi doit- on considérer comme un courtier et non comme un fabricant ce Jean Herstienne, qui livre, en 1527 et 1528, à Marie de Hongrie vingt-neuf pièces de paysages et de scènes de chasse pour la décoration de son palais de Malines. La même observation s'applique à Robert van Haesten, habitant d'Anvers, à qui le conseil de Brabant achète, en 1544, trois pièces pour suspendre dans la chambre du conseil, à Bruxelles. Pierre Casteleyn, qui vend pour le même usage deux tapisseries, faites sur les cartons du peintre Jean de Kempeuere, est qualifié, il  est vrai, du titre de hauteliceur. Enfin, en 1549, un certain Jean Dobbelaer livre des tapis destinés au conseil   privé. Une circonstance semble indiquer que le travail  de la haute lice ne fut jamais qu'une exception dans la cité anversoise ; nous voulons parler du refus fait par le magistral de publier l’édit de 1544, comme n'étant pas applicable à Anvers. D'autre part, les artisans de Bruxelles se plaignent vivement des fraudes commises par leurs voisins. A les en croire, les marchands d' Anvers auraient fait placer les armes de la villes ur des tapisseries fabriquées à Bruxelles pour induire leurs clients en erreur. Il  faut cependant tenir compte du témoignage de Guicciardini , qui constate l’existence d'ateliers de haute lice sur les bords de l’Escaut. On a déjà parlé de ce tapissier bruxellois , nommé Michel de Bos, installé à Anvers vers 1560, qui engagea, trois ans plus tard , des négociations avec le magistrat pour l’exécution d'une tenture où devait être retracé le cours des rivières de Middelbourg à Bruxelles, avec la représentation des contrées environnantes. Parmi les marchands anversois les plus renommés de la fin du XVI siècle, François Swerts se présente en premiere ligne. Il  était en quelque sorte le fournisseur attitré de l’archiduc Ernest d'Autriche, qui lui acheta, à diverses reprises, une certaine quantité de tentures : d'abord, en 1594, deux chambres, l’une, en huit panneaux , de l’Histoire de Pomone , l’autre représentant les Sept merveille s du monde, en six pièces, pour la somme de 4,576 livres de Flandre. Quelques mois après, il  vendait au même personnage six autres  pièces retraçant des Episodes de la Guerre de Troie; leur prix s'élevait à 1,032 florins. Une mesure qui assurait à la ville le monopole de la vente des tentures de haute lice, fut la création d'une vaste galerie où pouvaient être exposées les tapisseries a vendre. Là, les acheteurs avaient sous les yeux les produits de tons les ateliers. Une pareille  installation facilitait les transactions ; elle contribua sans doute beaucoup à faire d'Anvers le grand marché de l’industrie flamande.

Bruxelles,

La présence de la cour avait dû protéger dans une certaine mesure la ville de Bruxelles contre la décadence qui s'étendait de proche en proche à tous les centres  manufacturiers des Pays-Bas espagnols. Cependant la capitale n’échappe pas complètement à l’influence funeste de la guerre civil e, et on peut lui appliquer, comme à ses voisines, les réflexions judicieuses que la situation inspirait à un ministre protestant, homme de grande valeur, nomme Francois Bauduin. Ce personnage, ancien avocat d' Arras, qui avait pris part au fameux colloque de Poissy, écrivait à Philippe II, en 1566 : « C'est une chose presque incroyable combien de dommage ont apporté les persécutions de quarante ans engagés à la drapperie, sayétérie et tapisserie, lesquels mestiers, comme propres et particuliers a ces Pays-Bas, l’on a chasse par ce moyen vers les Francois , Anglois et autres  nations. Je laisse a parler d'une infinite d'autres  bons et proufitables mestiers qui se sont retirez en pays estranges pour jouyr de la liberte de leurs consciences. »  Aux  pays qui avaient servi de refuge à ses coreligionnaires fugitifs, le ministre protestant aurait pu ajouter quelques années plus tard les provinces des Pays-Bas, soustraites à la domination espagnole par Guillaume le Taciturne. Celles-ci durent, en effet, à l’émigration de leurs voisins la naissance de plusieurs ateliers de haute lice.

Delft.

Nous avons signalé la pièce conservée à l’hôtel de ville de Leyde, sur laquelle est figuré le siège de cette ville en 1574. Cette tapisserie, fort riche, rehaussée d'or et de soie, sortait de l’atelier d'un Flamand établi à Delft, nommé Josse Lanckeert; elle fut exécuté en 1587 et payé 264 florins. Hans Liefrinck en avait fourni le carton. Le peintre historien Carel van Mander travailla fréquemment pour les ateliers de Delft, dont la réputation était telle, au commencement du XVII  ° siècle , que leurs productions étaient exportées en Angleterre , en Danemark, en Pologne et dans des pays fort éloignes. Les ouvrages de François Spierinck  étaient estimés par-dessus tous les autres . On a vu plus haut que les Anglais avaient eu recours à ce maitre fameux pour la traduction des scènes représentant leurs glorieux succès sur l’Armada de Philippe II. Spierinck parait, en effet s’être fixé à Delft vers la fin du XVI° siècle. Les états généraux lui achetèrent souvent des tentures de grand prix pour les offrir en présent à des personnages de marque dont ils recherchaient l’appui. C'est ainsi qu'ils envoyèrent une suite de tapisseries au grand chambellan d'Angleterre  en 1610, une autre à l’épouse de l’électeur palatin en 1613, et une troisième au grand chambellan de Danemark en 1615. Il  n'est pas besoin d'insister sur le but interessé que poursuivaient les Provinces -Unies par ces fréquentes liberalités. Pour ne rien omettre de ce qu'on sait sur les ateliers de Delft, signalons l’octroi accordé par les états, en 1611, à Jean Andrieszon Boesbeke ? pour la fabrication, durant cinq années, de tapisseries.

Paris.

La pratique de la haute lice dans notre pays ne subit jamais d'interruption complète; presque tous nos souverains prirent un vif intérêt à son développement. Si la résolution prise par le roi Henri II  de fixer dans la capitate le siège de la royauté porta un coup fatal à l’atelier royal de Fontainebleau , nous avons constaté que ce prince établit dans l’hôpital de la Trinité un atelier de haute lice qui subsista pendant près d'un siècle. A la Trinité comme à Tournai, les apprentis étaient recrutés parmi les enfants pauvres et abandonnés; on leur enseignait la technique assez compliquée du métier de tapisserie, et on les mettait à même de gagner leur vie en leur accordant certaines exemptions quand ils atteignaient l’âge d'homme.

 

Amiens.

 Dès le XV° siècle, la ville d'Amiens avait reçu une colonie de tapissiers tournaisiens. Ceci se passait vers l’époque où le duc de Bourgogne recut en gage la capitale de la Picardie. Les travaux de ces artisans n'ont laisse aucune trace.
La tapisserie reparait à Amiens vers le milieu du XVI° siècle, dans la personne d'un certain Gerard Wauthen, originaire de Saint-Trond, dont le nom a été relevé dans la correspondance administrative des Pays-Bas espagnols par Alexandre Pinchart. Il  reste en Picardie une quinzaine d'années au moins, de 1542 a 1557. Sur la nature de ses travaux,  il  ne parait pas y avoir d'incertitude. Nous avons, en effet, sous les yeux un arrêt du parlement de Paris, daté du 6 septembre 1559, faisant mention de dix « maitres haulteliceurs » de la ville d'Amiens. Leurs noms, énumérés dans l’arrêt, sont des plus obscurs et accusent tous, le fait est digne de remarque, une origine bien française. Gerard Wauthen ne figure pas parmi eux. Ils se nomment Allart, Martin, Cornet, Mouret, Barbe, le Poitevin, Couvreur, Fere, GeodaIl ler et Dufour; ce ne sont point là des vocables flamands. Quant a l’objet même du procès, il  n'offre qu'un médiocre intérêt. Nos artisans plaident contre le mayeur et les échevins d'Amiens. Est-ce au nom de leur corporation? L'arrêt n'en dit rien. Toujours résulte-t’il  de cette mention, jusqu'ici inconnue, que la ville d'Amiens possédait, au milieu du XVI° siècle , une dizaine de tapissiers de haute lice au moins. Le fait se trouve d'ailleurs  confirmé d'une façon formelle par l’inventaire du mobil ier de la couronne sous Louis XIV. Dans ce document, un certain nombre de tentures appartenant aux collections royales soit attribués  aux ateliers de la ville d'Amiens. Plusieurs sont dites anciennes ou gothiques; le dessin d'une Histoire de Tobie, en douze pièces, passe même pour l’oeuvre de Lucas. Ces désignations font remonter la date de l’exécution au XVI° siècle, et il  n'y a aucune raison de douter de la tradition qui attribuait ces ouvrages aux tapissiers amienois. D'ailleurs , les maitres parisiens, dans introduction des statuts imprimés en 1718, vantent fort les tapisseries de cette ville . Voici donc un ensemble de témoignages des plus respectables. Des recherches suivies dans les archives locales ajouteraient sans doute de nouveaux détail s à ceux qui viennent d'être exposés. Le sujet vaut la peine qu'on s'en occupe, car les ateliers d'Amiens pamissent avoir joui d'une certaine notoriété.


XVII° SIECLE

LA TAPISSERIE DEPUIS LE COMMENCEMENT DU XVI SIECLE
JUSQU'A LA CREATION DE LA MANUFACTURE DES GOBELINS
SOUS LOUIS XIV
(1600-1662)

Albert-Isabelle

En 1600, avènement des princes souverains Albert et Isabelle ; sous leur administration florissante se développe la fabrication des étoffes et celle des huiles à brûler. Fils de Charles Quint et de l’infante Isabelle de Portugal, il  sera connu sous le nom de Philippe II  d’Espagne. Il  naît en 1527. Il  aura deux sœurs : Marie (1528-1603) qui épousera son cousin Maximilien d’Autriche dont elle aura une nombreuse descendance, et Jeanne (1537-1573) qui épousera son cousin le prince Jean de Portugal. A la différence de son père élevé dans les Flandres, Philippe reçoit une éducation espagnole. Il  ne parle aucune des autres  langues parlées dans les possessions de son père (français, allemand, italien, néerlandais, …) à l’inverse de son père, son oncle Ferdinand, ses cousins Maximil ien et Ferdinand ou encore sa tante Marie. Philippe fera quatre mariages successifs avec des princesses des principales monarchies européennes: en  1543, avec la princesse Marie de Portugal (sa cousine) dont il  aura le fameux don Carlos. La princesse meurt en couche. L’enfant paie pour la longue tradition des mariages consanguins entre les dynasties portugaise et espagnole. En 1554, avec la reine Marie Tudor d’Angleterre (sa cousine).   En 1560 avec la princesse Elisabeth de France, fille de son ennemi Henri II , dont il  aura deux fille : les infantes Catherine (future duchesse de Savoie) et Isabelle (future archiduchesse Isabelle). En 1570, avec l’archiduchesse Anne d’Autriche (sa cousine et sa nièce) dont il  aura deux garçons morts en bas âge et le futur roi Philippe III d’Espagne. Toutes les fêtes de 1549 sont organisées pour préparer la succession de Charles Quint dans les Pays-Bas et la remise du pouvoir au prince Philippe. On verra par la suite que Philippe d’Espagne n’avait pas compris la mentalité de la population de nos régions. Durant la seconde moitié du 16e siècle, son gouvernement fera sombrer les florissants Pays-Bas dans la guerre civil e avec pour effet final la scission des 17 provinces. Les provinces du nord prendront le protestantisme comme religion et formeront les Provinces-Unies, celles du sud se rallieront au catholicisme et prendront le nom des Pays-Bas Espagnols. Philippe II  n’a su assumer l’héritage de son père. .A la fin de sa vie, espérant régler une fois pour toute le problème des Pays-Bas, Il  lègue ses provinces à sa fille Isabelle qui épouse son cousin l’archiduc Albert. Ceux-ci rendront une certaine prospérité à nos provinces. Faute de descendance des archiducs, les Pays-Bas retourneront au roi d’Espagne à la mort de l’archiduc Albert en 1621.

 

Les archiducs Albert et Isabelle, gouverneurs des Pays-Bas.

De 1598 à 1621, les Archiducs dominèrent les Flandres, permettant à cette région dévastée par les guerres de briller au niveau international. Ils établirent leur Cour à Bruxelles d’où ils développèrent le cosmopolitisme et une politique de mécénat qui servit de modèle aux autres cours européennes. Les Archiducs financèrent en effet largement le rayonnement du Baroque flamand en s’entourant de peintres de la cour comme Jan I Brueghel et Pierre Paul Rubens. Le siècle de Rubens aurait été inconcevable sans le soutien d’Albert et Isabelle. Isabelle, fille du roi d’Espagne Philippe II  (et petite-fille de Charles Quint), reçoit le gouvernement des Pays-Bas, en dot, à l’occasion de son mariage avec son cousin Albert, fils de l’Empèreur Maximilien II  (et par conséquent également petit-fils de Charles Quint).  Le couple archiducal hérite d’un pays déchiré par une guerre civile. Les Pays-Bas sortaient d’une période de révolte, alimentée autant par un mécontentement religieux que par la situation politico-économique, et qui avait pour but de se détacher de l’Empire espagnol. Les provinces du Nord, à majorité protestante, ayant réussi à conserver leur indépendance, évoluaient vers une république commerçante prospère, tandis que les Pays-Bas du Sud revenaient sous l’autorité de l’Espagne catholique, suite aux fructueuses campagnes militaires d’Alexandre Farnèse. Pour trouver une solution à ce conflit, le jeune couple archiducal tente d'abord de consolider par la force l'autorité habsbourgeoise. Mais ses tentatives n'engendrent que conflits et violences guerrières (c'est alors que se passe le fameux siège d'Ostende qui durera trois ans et dont la petite histoire rapporte le fait qu'Isabelle refusa de changer de chemise tant que dura le siège). Philippe III qui avait pris la succession de son père, menaçait de leur couper les vivres. Arrive le marquis de Spinola qui accepte de financer l'armée à condition d'en prendre le commandement. Albert se sent déposédé du pouvoir et connaît une période de doute assez grave.  La paix établie, Albert et Isabelle peuvent enfin développer la terre reçue en héritage et la développeront d'une manière exemplaire. Jusqu'en 1621, année de la mort d'Albert, le couple va réformer la justice, développer l'économie, en suscitant des travaux d'intérêt public tels que l'assèchement des marécages à la frontière de l'actuelle Flandre orientale et de la France. Ils vont faire ouvrir des Monts de Piété où le peuple peut obtenir des crédits à court terme moyennant une rente raisonnable. Faire construire des bâtiments de prestige: le palais de Bruxelles, les résidences de Mariemont, Tervueren.

En installant leur cour à Bruxelles, les archiducs ont contribué à ce que Bruxelles devienne aujourd'hui la capitale de l'Europe. Ils ont donné une dimension internationale à la ville . La résidence archiducale, qui a aujourd'hui disparu (la rue Isabelle sous l'actuelle place royale est le dernier vestige du palais; Il  permettait à Isabelle de rejoindre la cathédrale Saint Michel et Gudule) était alors une véritable salle aux trésors, un palais de curiosités où les invités pouvaient admirer des tableaux, sculptures, pièces d'orfèvrerie exceptionnels, des instruments scientifiques, des plantes et animaux exotiques. Il  était aussi un lieu d'efferscence intellectuelle et artistique. Mécènes, les archiducs s'entouraient d'artistes comme Rubens, Jan I Brueghel, Otto van Veen, Théodore Van Loon. C'est grâce à leur politique artistique, que le Baroque flamand put éclore. Sans eux, le siècle de Rubens n'aurait pu exister. Des architectes comme Wenzel Cobergher et Jacques Francquart recevront les commandes pour la Cour et les provinces. Tandis que la musique de chambre archiducale sous la direction du compositeur Peter Philips connaîtra un succès artistique sans précédent, les humanistes des Pays-Bas du Sud, dont Juste Lipse atteindront une apogée intellectuelle. Mais aux yeux du couple archiducal, l'art est bien plus qu'une création esthétique originale; Il  est aussi un excellent moyen de communiquer avec le peuple et de faire connaître au monde extérieur la splendeur de leur règne. Les familles nobles imiteront le style de vie de la cour, tandis que l’homme de la rue sera le témoin du raffinement de la cour au travers des Joyeuses entrées, des cortèges, des processions et des fêtes des Arbalétriers. « Un ancêtre des Virnot et des Prouvost-Virnot, Charles de Flandres, Sgr d'Herzeaux, secrétaire du roi d'Espagne en son conseil   d'Etat des Pays-Bas et en son conseil   privé, échevin de la ville d’Arras ; il  leva et dressa une compagnie à ses frais lors des troubles en les pays d'Embois, fut l'auteur d'1 pièce de poésie représentée a Arras le 13 Février 1600 à l'occasion de l'entrée dans cette ville des Archiducs Albert et Isabelle (Archives historiques et littéraires 1re série, Tome IV). Parmi les apports d’Albert et Isabelle, on peut d’ailleurs  citer le rétablissement de l’Ommegang bruxellois dans ses droits. Même s'il  fait la fête, le couple est profondément religieux, apportant à la Contre-Réforme un appui énergique. Les souverains comptaient parmi les plus pieux de leur temps. Ils stimulèrent aussi le développement d’autres  lieux de pèlerinage comme Foy-Notre-Dame et Halle, offrent de l'argent aux églises et couvents, achètent reliques et indulgences. Autant de dévotion n'est pas complètement désintéressée; le couple cherche ainsi à consolider le pouvoir des Habsbourgs catholiques sur les Pays-Bas. Et l'ambition sera atteinte puisque la région restera propriété de la Maison d'Autriche jusqu'à la Révolution française. La mort d’Albert en 1621 met fin à cette période d’essor et de calme. Faute d’héritier, le gouvernement d’Albert et Isabelle retourne sous l’autorité espagnole. En 1648, cinquante ans après l’avènement d’Albert et Isabelle, la Paix de Westphalie marque la fin de la guerre civile qui a définitivement séparé les Pays-Bas.

Apres la période de décadence profonde a laquelle nous venons d'assister, les gouvernements des différents Etats de I'Europe ont recours a tous les moyens pour guérir les plaies de la guerre , pour favoriser la renaissance des industries expirantes. Les Pays-Bas tiennent toujours le premier rang par leur activité industrielle ; mais leurs voisins font d'incessants efforts pour leur disputer cette suprématie. D’un coté, l’Angleterre , de l’autre la France, cherchent à profiter des fautes commises par les gouverneurs intolérants de cette laborieuse contrée. Les bannis vont porter à l’étranger les secrêts de leur fabrication. C'est en vain qu'on s'efforce d'arréter l’émigration en multipliant les ordonnances, en aggravant les pénalités édictées contre les fugitifs. Toutes les mesures restent impuissantes. On a dit avec raison que les persécutions religieuses du duc d'Albe et de ses successeurs avaient causé plus de préjudice aux Pays-Bas que la révocation de l’édit de Nantes à la France. Henri IV sut habilement profiter des fautes de la monarchie espagnole. S'il  vécut trop peu pour voir le résultat de ses sages mesures , ce n'en est pas moins à lui que la France doit le grand essor industriel qu'elle prend au XVI° siècle. C'est Henri IV qui a réuni tous les éléments de la gloire de Louis XIV, qui a rendu possible l'oeuvre féconde de Colbert.

PAYS-BAS ESPAGNOLS
Un fait considérable, plein de graves conséquences, domine l’histoire des ateliers flamands au commencement du XVI°siècle. Attirés par les nombreux avantages qui leur sont offerts , les plus habiles ouvriers partent pour les pays étrangers. Marc de Comans et François de la Planche viennent se fixer à Paris dès 1602, pour y fonder la première manufacture des Gobelins. Vincent van Quickelberghe, apres quelques années de séjour à Arras, s'établit définitivement a Lille.

 

Bruxelles.

Une pareille émigration devait causer un tort énorme à l’industrie flamande. Les métiers bruxellois, privés de
leurs plus habIl es artisans, se trouvaient placés dans une situation désastreuse. L'archiduc Albert fit d'énergiques efforts pour arréter le mal. Parmi les mesures prises aussitôt après son arrivée une des plus efficaces fut les exemptions de charges et d'impots. C'était un des appats qu'on faisait toujours luire aux yeux des tapissiers pour les décider à abandonner leur terre natale.L'archiduc ne s'en tint pas là. Par de nombreuses acquisitions, Il  fournit du travail   aux ateliers de la capitale. Il  leur accordait en même temps des subventions qui s'elevèrent, en une seule année, à la somme de 13,000 florins. L'éclat que Rubens et sa brillante école répandait à cette époque sur la peinture flamande eut la plus heureuse influence sur la régénération de l’industrie nationale.

Erasme de Pannemaker était le descendant de la célebre dynastie de ce nom, qui avait conquis une si brillante réputation au XVI° siècle. Il  exécuta une Histoire de Cyrus, en six pièces, pour un négociant anversois. Les Pannemaker fondèrent plusieurs ateliers dans la Flandre et les pays environnants. Daniel de Pannemaker émigrait à Charleville vers 1625. Plus tard François, frère d'Erasme, et son neveu Andre s'établissaient à Lille et y montaient un atelier dont leur famille   conserva la direction peudant plusieurs générations.Après le gouvernement d'Albert et d’Isabelle, qui avaient tenté de sérieux efforts et fait de grands sacrifices pour soutenir la fabrication de la tapisserie, la décadence reprit de plus belle. Nombre de maitrès tombèrent en faillite. En vain la corporation s'imposa- t-elle de grands sacrifices pour conjurer une mine imminente : le règne de la tapisserie était passé. La mode avait substitué aux anciens tissus historiés les cuirs peints et dorés qui se fabriquaient surtout a Malines. Le succès de cette nouvelle invention fit un tort immense aux métiers de Bruxelles.


Audenarde.

Les tapissiers d'Audenarde, comme ceux de Bruxelles, émigrent en foule à l’étranger. En vain prend-on des
mesures sévères; un certain Bernard de Pourck est arrêté  en 1604 sous l’inculpation d'avoir embauché des tapissiers pour la France. Deux ans après, le magistrat prend une mesure plus radicale:
une ordonnance de  juillet 1606 menace de la confiscation de leurs biens tous les tapissiers qui s'expatrieraient sans autorisation, et enjoint à tous les absents de revenir dans l’année. Vain expédient! L’émigration continue de plus belle. Marc de Comans et François de la Planche, qui dirigèrent à Paris la première manufacture des Gobelins, venaient-ils d'Audenarde? On l’ignore ; mais trois maitres de cette ville transportent leurs métiers à Alost en 1611. De nombreux ouvriers du même pays s'en vont travailler dans la manufacture de Mortlake , fondée en 1619 par Francis Crane. Puis c'est Vincent van Quickelberghe, qui se rend, avec ses  fils Jean et Emmanuel, d'abord à Arras, puis à Lille. En 1635, Emmanuel rejoint ses compatriotes déjà fixés en Angleterre . On voit même un tapissier d'Audenarde se réfugier a Bruxelles en 1641 ; Il  s'appelle Guillaume van der Hante. Le chef d'atelier le plus habile et le plus célèbre de la manufacture des Gobelins, Jean Jans, était aussi originaire de cette ville . Il  quittait son pays pour la France en 1650, avec plusieurs de ses concitoyens. Les magistrats ne négligeaient rien pour arrêter cette dépopulation , soit en édictant des peines rigoureuses contre les fugitifs, soit en fournissant, par de nombreuses acquisitions, du travail aux maitres besogneux. Dès qu'un nouveau gouverneur venait prendre la direction des affaires à Audenarde, Il  recevait en don de  joyeux avènement un des produits les plus remarquables de l’industrie locale. C’était généralement une tenture en plusieurs pièces, représentant des verdures animées d'animaux et de figures. Ce fait se reproduit fréquemment, à des intervalles plus ou moins rapprochés, de 1614 à 1694. Un document contemporain nous a conservé de bien précieux renseignements sur l’importance du commerce d’Audenarde au commencement du XVII° siècle. C’est le registre d'un maître, nommé Georges Ghyslot's de la réunion d'Audenarde à la France, le métier ne comptait plus que vingt-trois maitres. Pendant l’occupation française, les affaires reprirent un peu d'activité. Les fabricants avaient trouvé à Paris un débouché commercial qui leur était précédemment fermé; mais ce moment de prosperité dura peu. Le bombardement de 1684 porta le dernier coup à l’industrie d'Audenarde, comme nous le verrons bientôt. Outre les tisseurs et les ouvriers employés à la préparation et à la teinture des laines, la tapisserie faisait vivre un certain nombre d'artistes qui se livraient presque exclusivement à la confection des modèles. Alex. Pinchart a dressé la liste détaillée des peintres employés par les tapissiers d' Audenarde. Dans le nombre figurent Jean Snellinck, de Malines, fixé à Audenarde en 1607, et Simon de Pape, peintre d'histoire, né à Audenarde même, dont la carrière s'étend de 1623 a 1677.
Tournai.

Vers la fin du XVI° siècle, les habitants de Tournai  paraissent avoir complètement abandonné la fabrication de la tapisserie historiée de haute ou de basse lice pour celle des tapis de table. En vain les magistrats s'efforcent-ils, par de fréquentes com- mandes, de fournir de l’occupation aux derniers métiers existants, l’industrie de la haute lice décline de  jour  en  jour. Toutefois elle reprendra un peu de vie, comme celle d'Audenarde, pendant l’occupation des Pays-Bas par Louis XIV, et végètera jusqu'aux dernières années du XVII°  siècle. A partir de 1700, des nombreux centres  de fabrication que les Flandres avaient possédé au XVI° siècle, il  n'en subsiste plus que trois : ceux de Bruxelles, d' Audenarde et de Tournai.


Enghien.

Les causes de décadence déjà signalées s'appliquent également aux manufactures d'Enghien.
C'est de cette ville que van der Biest part, en 1604, avec trois ou quatre compagnons, pour aller fonder
l’atelier de Munich. Un autre artisan d'Enghien, Jean Pzegre ? ou Seghers, meurt à l’hôpital de Maincy, pres Melun, en 1660. D'autres  enfin quittent leur ville natale de 1638 à 1644, pour s'établir à Bruxelles. Louis Spinola, gouverneur d'une des provinces flamandes, achète, en 1642, à Henri van der Cammen, marchand d'Enghien, deux chambres de L’Histoire d' Alexandre le Grand, payées 8 florins l’aune, soit en tout 1,975 florins. Vers 1671, les magistrats de Tournai cherchent à attirer, par l’appat de certains avantages, un des derniers tapissiers d'Enghien, nomme Jean Oedins. Quatorze ans plus tard, il  ne restait plus qu'un seul tapissier dans la ville ; Il  se nommait Nicolas van den Leen. A la fin du XVII° siècle, cette lente agonie avait pris fin ; le dernier atelier d'Enghien était fermé.
Les tapissiers parisiens, dans le préambule des statuts imprimés en 1718, parlent des manufactures d'Enghien avec un certain dédain et jugent très sévèrement leurs ouvrages.


Tourcoing.

La ville de Tourcoing parait avoir possédé des tapissiers au XVII° ou au XVIII°siècle. M. Houdoy a décrit une belle pièce représentant une Fête champêtre, signée : Lefevre-Tourcoing.

Alost,

En 1611, le fait a déjà été signalé, plusieurs tapissiers d'Audenarde offrent de transporter leurs métiers à Alost.
Leurs propositions sont favorablement accueillies. Ces maîtres s'appelaient Gills Roos ou Roose, Tobie de Kétéle et Michel van Glabeke. On n'en sait pas davantage sur la tentative faite pour rétablir l’industrie de la tapisserie dans cette ville , qui avait possédé des ateliers dès la fin du XV° siècle. Guicciardini et van Mander signalent cependant un fait digne d'être noté.
Un peintre d'Alost, nommé Pierre Coecke, né en 1502, avait entrepris de lointains voyages. Il  alla jusqu'à Constantinople, trouva chez le sultan un accueil  favorable, et exécuta pour lui des cartons de tapisserie que des hauteliceurs bruxellois , nommes van der Moyen ou Dermoyen, ses compagnons de route, se chargèrent de traduire en laine et en soie.

Valenciennes.

Au XVII° siècle, le magistrat de Valenciennes a plusieurs fois recours aux tapissiers d'Audenarde. Il  n’y avait donc pas dans la ville d'atelier de tapisserie. Cependant un certain Pierre Régnier, demeurant a Valenciennes, livre deux tentures, en 1643, au sieur d'Houdicourt, gouverneur de Landrecies; mais ce Regnier n'était probablement qu'un marchand ou un commissionnaire.

Lille

Aux ateliers des XVe et XVIe siècles à Lille succédèrent des ateliers au XVII° mais n'eurent qu'une durée éphèmère.

Joris Blomaert, qui présente une requête en 1677, établit des métiers à Lille vers 1680; il  les abandonne, vers 1684.

Ensuite les métiers de Pannemacker subsistèrent durant une cinquantaine d'années ainsi que l'atelier de Guillaume Warniers.

Après le décès de Warniers (1738), l'activité végéta. Etienne Deyrolles essaya de rénover en 1780 les ateliers mais en vain.

De nombreuses Tesnières furent tissées à Lille.

En 1634, Vincent Van Quilkelberghe, d'Audenarde, importe à Lille la fabrication de la tapisserie façon d'Audenarde ; Il  était venu chercher fortune à Arras vers le commencement du XVII° siècle. Il  ne trouva pas dans cette ville les ressources qu'il  espérait, et, en 1625,nous le voyons fixé à Lille. Le magistrat lui accorde une pension annuelle de 100 florins, à la condition qu'il  enseignât son métier à quatre enfants pauvres. Cette peusion fut continuée aux fils de Vincent, Jean Van Quilkelberghe et Emmanuel Van Quilkelberghe, venus à Lille à la suite de leur père.

En 1637, Emmanuel van Quickelberghe part pour Mortlake : la création des ateliers de Mortlake se fit sous le règne de Jacques Ier(XVII°). Le sir Francis Crane en fut le directeur.L'essor de la manufacture se fit sous la tutelle du prince de Galles, le Roi Charles 1er. Il  y aura des productions de tentures d'après Raphaël. Production:La tenture de Vulcain et Vénus ; Les douze mois ; L'histoire de Héro et Leandre ; Les chasses ; Les sens ; Le triomphe de Jules César ; L'histoire d'Achille (Rubens) ; Oeuvres que l'on peut voir au Musée Ernest Rupin à Brive. La manufacture ferma en 1703.

tandis que son frère Jean van Quickelberghe reste à la tête de l'atelier fondé par le chef de famille. La pension payée à ce dernier figure sur les comptes de la ville de Lille jusqu'en 1641. Vers la même époque, c'est-à-dire en 1634, un autre tapissier d'Audenarde, nomme Gaspard van Caeneghem, offrait au corps municipal de se fixer a Lille et d'instruire trois enfants pauvres, à la condition d'être exempt de toutes charges et de ne pas payer de loyer. Cette expérience fut de courte durée, car en 1639 van Caeneghem avait quitte la ville .

En somme, peudant le cours du XVII° siècle, la brillante industrie qui avait fait la fortune et la gloire des Pays-Bas sous le règne de Charles -Quint se montre en décadence dans tous les centres flamands.

Les tapissiers, ne trouvant plus l’occasion d'exercer leurs talents dans leur patrie, sont réduits à se répandre dans les pays environnants ou bien à chercher fortune au loin. Jamais occasion aussi favorable ne s'est présentee pour enlever a cette laborieuse contrée un des plus beaux fleurons de sa couronne industrielle. Henri IV a juge la situation avec le coup d'oeil  du génie, et nous allons assister à ses intelligents efforts pour mettre la France en état de lutter avantageusement contre les provinces espagnoles, et de conquérir, en fin de compte, la suprématie dans cette branche spéciale des arts somptuaires.

Et pourtant, à Lille, sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV, Cabillau , Pennemaker, Destombes, Melter, Werniers (Guillaume Werniers, gendre de Jean de Melter et son successeur, travail lait à Lille en 1701) et autres donnent une grande extension à cette industrie artistique.

En 1652, construction de la bourse actuelle sur l'emplacement de la Fontaine au Change. Ensuite les métiers de Pannemacker subsistèrent durant une cinquantaine d'années ainsi que l'atelier de Guillaume Warniers.

Jean de Melter, doyen de la corporation bruxelloise en 1679, recevait des commandes de France depuis 1675. Vers 1688, il partit aussi pour Lille. En 1689, Il  y possédait un atelier et neuf métiers. Un petit panneau signé par lui représentant une « Madone à l’enfant », actuellement à San Francisco, a probablement été tissé à Lille. C’est en vain qu’il  proposa au gouvernement espagnol de fonder une manufacture à Madrid. Il  mourut à Lille vers 1699. Son gendre fut Guillaume Werniers. En 1700, la fille de Jean de Melter donna un grand développement à l'atelier de son beau-père.

 

Henri IV  a  jugé la situation avec le coup d'oeil  du génie, et nous allons assister à ses intelligents efforts pour mettre la France en état de lutter avantageusement contre les provinces espagnoles, et de conquérir, en fin de compte, la suprématie dans cette branche spéciale des arts somptuaires. La France manquait d'ouvriers exercés, et il eût fallu bien des années aux maîtres sortis de la Trinité pour former le personnel nécessaire. De nombreux ouvriers flamands sont embauchés et attirés à Paris par la promesse d'avantages considérables.

 

Première manufacture des Gobelins

Marc de Comans et François de la Planche suivirent probablement de près François Verrier, qui disparait sans laisser de traces. Leur arrivée avait, à coup sûr, précédé de plusieurs années l’octroi des lettres patentes où sont consignés les privilèges à eux accordés par le roi.Les tapissiers flamands ne furent pas tout d'abord installés dans cette maison des anciens teinturiers parisiens dont ils devaient immortaliser le nom. Avant de se fixer au faubourg Saint-Marcel, ils occupèrent un moment les dépendances de l’Hôtel des Tournelles. Un projet trop grandiose pour être suivi d'exécution consistait à réunir autour de la place Royale, récemment créee, toutes les nouvelles manufactures. Enfin on se décida pour les bords de la Bièvre et pour le voisinage de l'importante teinturerie créee par la famille Gobelin vers la fin du XVI° siècle.

En 1683, lorsque le magistrat de Lille décide de commander une tapisserie pour décorer la salle du conclave du palais Rihour, siège de la châtellenie de Lille. Un projet, celui du sieur Parent, est retenu. Mais les fonds manquent alors pour le réaliser. Au point qu’il  faut attendre près de 40 ans pour qu’il  ressurgisse ! En 1720, en effet, commande est passée au tapissier bruxellois Guillaume Werniers, qui possède un atelier à Lille. Ce dernier va réaliser une tapisserie de laine et soie de seize mètrès carrés, à la gloire du roi, représenté par une tête d’Apollon d’où le soleil rayonne. Le tout sur un fond azur fleurdelisé, avec nuages d’apothéose, renommées, armes de France et de Navarre… mais également armes des seigneurs de Cysoing, Wavrin, Comines et Phalempin. Cette oeuvre en laine et soie, est fabriquée à Lille entre 1720 et 1730. Condition pour que ces derniers acceptent alors de mettre la main à la poche ! La tapisserie va orner le palais Rihour de Lille jusqu’à la Révolution. On perd sa trace jusqu’en 1840, date à laquelle Benoît De Puydt l’achète chez un brocanteur. L’oeuvre de Werniers avait servi de tapis  ici et là. Léguée à la ville de Bailleul  à la mort de De Puydt, la tapisserie ne quittera plus le musée, sauf durant la Première Guerre mondiale, où elle est expédiée à Eu (Normandie). Une riche idée puisque Bailleul sera détruite entièrement. À son retour, une salle est aménagée spécialement pour elle dans le nouveau musée inauguré en 1934. Mais le temps fait son oeuvre : la lumière, la poussière et le poids même de la tapisserie l’abîment fortement. Pour la sauver, une seule solution : la déposer.

Werniers-Bailleul

L'église Saint-Pierre-en-Antioche d'Ascq  possède depuis le XVIIIe   siècle une grande tapisserie classée monument historique, Les Noces de Cana, réalisées par le hautlisseur lillois Guillaume Werniers en 1735, d'après les cartons de Bernard-Joseph Wamps. Cette tapisserie faisait partie d'un lot de six pièces destinées au chœur de l'Église Saint-Sauveur de Lille; Il  en reste trois autres, deux dans les musées de Lille et une à l'église de Fresnes. La tapisserie, représentant un banquet dans la nature présente un décor à la Véronèse.

Au XVIème et XVII ème siècles, Oudenaerde était un des centres de production de tapisseries les plus importants d’Europe. Aujourd’hui encore, on retrouve les verdures, paysages, scènes de chasse et feuilles d’Aristoloche de cette période, dans le monde entier.

 

Amiens.

Des métiers avaient été fondés à Amiens, selon la clause insérée dans les lettres de privilèges accordées aux tapissiers flamands. L'inventaire de Louis XIV nous fait connaitre trois ou quatre suites dont il  attribue la fabrication aux tapissiers amienois ; il  s'agit probablement de ceux qui avaient travaillé sous la direction des Comans et des de la Planche. Il cite notamment deux tentures en six panneaux chacune : les Triomphes des Vertus et des Vices et Divers jeux. Quant à L’Histoire de Troie, attribuée également aux ateliers picards, et dont nous avons déjà parlé dans un précédent châpitre, comme l’inventaire la dit gothique et l’attribue à Lucas, elle remonte certainement à une date antérieure au XVII ° siècle. D'après le préambule des statuts des tapissiers parisiens de 1718, les artisans amienois  travaillaient surtout en haute lice; ils copiaient d'ordinaire des sujets a personnages , rarement des paysages. C'est à Amiens qu'un sergier de Reims, nomme Jean Mary, vient recruter, en 1683, des ouvriers de haute lice pour exécuter des tentures commandées par un bourgeois de sa ville natale.La création de la manufacture des meubles de la couronne aux Gobelins porta sans doute le dernier coup à l’existence de l’atelier du faubourg Saint- Germain.

 

 

Boulogne- sur Mer.

Ainsi, en 1613, sur l’invitation, c'est-à-dire l’ordre du duc d'Epernon, gouverneur du Boulonnais, un
logement est assigné, dans la ville de Boulogne, au sieur de la Planche, entrepreneur des manufactures de tapisseries de Flandres en France, invité par le gouverneur à monter des métiers dans la ville . M. Vaillant, qui a le premier signalé ce fait curieux, n'a pu découvrir si cette tentative produisit des résultats, si même le sieur de la Planche, fort occupé déjà à Paris, à Amiens et à Tours, trouva le loisir de se rendre à l’appel des magistrats de Boulogne. On ne doit pas oublier que le personnage qui cherchait a doter la province d'un nouveau métier est précisement le créateur de cet atelier de Cadillac d'ou sortit l’Histoire de Henri III signalé plus haut.

Arras,

A Arras, une tentative a lieu dans le but de restaurer l’art glorieux qui avait fait jadis la réputation  et la fortune de l’Artois. Un tapissier d'Audenarde, Vincent van Quickelberghe, vient s'y fixer au commencement du XVI° siècle avec toute sa famille   . Mais l’entreprise ne réussit pas, et, en 1625, van Quickelberghe émigre à Lille avec ses Fils Jean et Emmanuel, qui l’aidaient dans ses travaux , ainsi que nous avons eu occasion de le remarquer en parlant de la ville de Lille.

Charleville

Si l’on s'en rapporte à une tradition locale, un certain nombre de tapissiers flamands étaient venus se fixer au début du XVII° siècle à Charleville , qui appartenait alors au duc de Mantoue. On voyait encore, il  y a peu d'années, dans les plus modestes demeures des environs de la ville , des fragments de tapisseries grossières qu'on attribuait généralement, mais sans preuves positives, aux vieux ateliers de la contrée. C est à Charleville que Daniel Pepersack exerçait sa profession quand les habitants de Reims l’appelèrent pour lui confier l’éxécution de plusieurs tentures destinées à la décoration de leurs églises. Comme l’une de ces suites existe encore et se voit dans la cathédrale; comme, de plus, les marchés passés avec Pepersack au sujet de cette commande ont été recemment découverts et publiés par les érudits de Reims, nous avons sur l’oeuvre de cet habile artisan un ensemble de documents comme on en rencontre rarement. Notre maitre tapissier quitte, en 1629, Charleville , chargé par les fidèles de Saint- Pierre -le-Vieil de tisser plusieurs tentures pour la paroisse. Les cartons étaient l’oeuvre du peintre troyen Pierre Murgalet, qui doit à cette circonstance une notoriété que son seul mérite n'eût pas obtenue. Le prix de la tapisserie était fixé à 30 livres de Paris.

 

Mortlake

 

L’atelier de Mortlake apparait, dans la première moitié du XVIIe siècle, comme un éclatant et fugitif météore. Il  ne se rattache à aucun établissement antérieur, et les efforts tentés pour assurer sa durée ne font que prolonger de quelques années sa décadence. Tous ses produits ne sont pas également parfaits ; peut- être la surprise causée par la révélation des pièces des Actes des apôtres a-t-elle eu pour résultat d'inspirer un engouement excessif pour la manufacture de sir Francis Crane et pour toutes ses productions indistinctement. Malgré ces réserves , l’atelier de Mortlake est le plus important qu'ait jamais possédé l’Angleterre , et il  occupera toujours une place distinguée dans l'histoire de la haute lice. Au début du XVII° siècle, les ouvriers flamands se répandirenl , comme on l’a déjà plusieurs fois répété, par toute l’Europe. On trouve des métiers installés même dans des régions fort éloignées du foyer central des industries textiles, et considérées comme à demi barbares.

 

Manufacture des Gobelins

Disséminés aux quatre coins de la capitale, les ateliers créés par la tenace volonté de Henri IV souffraient les uns comme les autres  de cette dispersion. Il  est difficile de savoir quelle était au juste la situation de chacun d'eux quand Louis XIV prit en mains les rènes du gouvernement. Les tapissiers de la Grande Galerie du Louvre, les successeurs de François de la Planche, les directeurs de l’hôpital de la Trinite et les descendants des Comans avaient-ils pu échapper aux conséquences et aux misères de la guerre civile? Quoi qu'il  en soit, l’habile conseiller de la reine régente, le cardinal Mazarin, avait témoigne pour l’industrie textile une sollicitude toute particulière. Ne recherchait-il  pas lui-même avec ardeur, avec une insatiable passion, les plus beaux et les plus précieux échantillons de l’art de la tapisserie? Il  ne pouvait donc rester indifférent au sort des habiles artisans installés à Paris par ses predécesseurs. Les privilèges des entrepreneurs du faubourg Saint-Marcel et du faubourg Saint- Germain avaient été renouvelés, comme on l’a vu, pour une nouvelle période, avant même leur expiration. Mazarin ne s'en tint pas là. Dès 1647, Pierre Lefevre, l’habile directeur de l’atelier de Florence, avait été appelé à Paris. Il  s'agissait sans doute de réorganiser un des ateliers alors existants, probablement celui du Louvre. Bien que d'origine parisienne, Lefêvre avait hâte de retourner à Florence. Apres trois ans de séjour, il  quittait pour toujours sa patrie, mais en laissant à sa place son Fils ainé, Jean Lefèvre, qui deviendra le chef de l’un des deux grands ateliers de haute lice de la manufacture des Gobelins. Installé d'abord dans un logement des galeries du Louvre, Jean Lefevre n'avait pas tardé à obtenir dans les Tuileries un emplacement pour y con- struire un atelier. Il  continuait ainsi, en travaillant en haute lice, les vieilles traditions parisiennes, celles que représentaient dans la grande galerie les Laurent et les Dubout. Son rival aux Gobelins, Jean Jans ou Janss, était, comme l’indique son nom, d'origine flamande. Il  habitait à Paris depuis quelques années déjà quand  il  fut nommé maître tapissier du roi, par brevêt du 20 septembre 1654. Il  dirigea plus tard aux Gobelins l'atelier de haute lice le plus nombreux et le plus renommé. Soixante-sept hauteliceurs étaient placés sous ses ordres, sans compter les apprentis. Ses ouvrages étaient estimés à un prix supérieur à celui qu'on payait pour les tapisseries de l’atelier rival. Enfin Jans a attaché son nom aux plus belles tentures commandées pour le roi. Des 1662, Louis XIV achète d'un sieur Leleu l’hôtel de la famille  Gobelin, au prix principal de 40,775 Livres. Le nom des anciens propriétaires reste attaché à la nouvelle manufacture. A l’origine, Henri IV s'était contenté d'assurer aux tapissiers flamands, par un long bail, la jouissance des bâtiments ou il les avait établis. Son petit-fils voulut que la nouvelle manufacture fut spécialement construite pour l’usage auquel elle était destinée. C'est dans ce but qu'il  acheta les terrains et fit réédifier tous les bâtiments.Après une expérience de vingt années, la manufacture périclita et il fallut aviser. Cette fois, le roi eut la main heureuse. Louis Hinart fut remplacé par un tapissier nommé Philippe Behagle, appartenant à une famille distinguée d'Audenarde, qui possédait des armoiries avec cette devise : Bon guet chasse malaventure, Behagle ou Behagel, pour conserver au nom sa forme flamande, était fixé à Paris depuis quelque ltmps déjà. Il  avait épousé, à Saint Hippolyte, la paroisse des tapissiers, une demoiselle van Heuven, qui lui donna un fils. Celui-ci, nommé Jean-Baptiste, suivit  la carrière paternelle. Un descendant du directeur de Beauvais habitait encore, en 1749, la rue de Richelieu et prenait la qualité de banquier. L’ administration de Philippe Behagle releva complètement l’établissement chancelant. Il put recueillir, en 1694, une partie des tapissiers des Gobelins que la pénurie du trésor jetait sur le pavé. Un rapport de 1698 constate que l’atelier comptait alors quatre- vingts  ouvriers, et que l’entrepreneur imprimait une excellente direction aux travaux, y prenant part lui-même, et se réservant pour lui et ses fils les ouvrages les plus délicats, comme les têtes et les carnations. Pour en arriver à ce résultat, l’habile directeur n'avait eu besoin que d'un prêt de 15,000 livres ; aussi , quand il visita la manufacture, en 1686, Louis XIV ne marchanda pas les témoignages de satisfaction. Une inscription, placée dans le jardin de l’établissement, conserva longtemps le souvenir de la place où le roi avait compliments le directeur en lui posant famillièrement la main sur l’épaule. A l’initiative de Behagle, la manufacture dut la création d'une école de dessin. Un artiste nomme Lepage en eut la direction jusqu'à sa mort. L'oeuvre la plus considérable de notre tapissier existe encore dans la cathédrale de Beauvais. Elle représente les Actes des apôtres, d'apres Raphaël. Presque toutes les pièces portent la signature P. Behagle. L'encadrement, forme de guirlandes de fleurs, rappelle le genre spécial de décoration dans lequel les tapissiers de Beauvais ont de tout temps excellé. Les succès de la manufacture royale excitèrent l’émulation des magistrats de la ville . Ils  attirèrent, en lui offrant des avantages considérables, un tapissier d'Audenarde fixé à Lille depuis 1680. Séduit par les promesses de la municipalite de Beauvais, Georges Blommaert émigrait dans cette ville avec son fils Jean, vers 1684. On ne possède aucun renseignement sur les destinées de cet établissement privé. En 1704, Philippe Behagle meurt; sa veuve et ses fils gardent pendant six ans la direction des ateliers. Mais les fils ne possédaient pas les capacités du père, et bientôt les résultats acquis se trouvèrent compromis. Les frères Filleul furent appelés à la tête de la manufacture par lettres patentes de 1711; ils n'avaient aucune des qualités nécessaires pour relever la fabrication. Aussi les productions de Beauvais sont-elles jugées très sévèrement dans l’appréciation des ateliers contemporains placée par les tapissiers parisiens de 1718 en tête de leurs statuts. Ce même document nous apprend que la marque ordinaire de la manufacture de Behagle était un coeur rouge entre deux B, traversé par un trait blanc dans le milieu. Plus tard, le nom de la ville fut inscrit en toutes lettres dans la lisière. On verra plus loin les nouvelles vicissitudes que la manufacture eut à traverser pendant l’administration de Mérou, avant de passer sous la direction réparatrice du peintre Oudry.

 

Torcy

Il en fut probablement de même de la tentative faite, quelques années plus tard, pour doter le bourg de Torcy d'une manufacture de tapisseries. Le souvenir n'en a été  conservé que par les lettres patentes sollicitées et obtenues, en octobre 1711, par Jean-Baptiste Baert, tapissier de haute et de basse lice, naturalisé français dès 1674, déjà directeur d'une entreprise de même nature à Lille d’abord, puis à Tournai. Cet entrepreneur avait atteint déjà un âge avancé quand il  obtint les lettres de 1711 ; le moment n'était guère favorable pour une pareille entreprise. Aussi, malgré les avantages concédés à Jean-Baptiste Baert, malgré le droit de prendre le titre de Manufacture Royale de tapisseries, l’atelier de Torcy ne parait-il  pas avoir réussi et n'a-t-il  laissé aucune trâce. On trouve une famille  de tapissiers du nom de Baert installée à Cambrai au milieu du XVIII° siècle. Elle descendait probablement du Jean-Baptiste Baert fixé à Torcy en 1711.

 
Amiens

La ville d'Amiens possédait encore, vers la fin du XVII° siècle, des métiers de haute lice. Le fait est attesté par les tapissiers parisiens dans l’introduction aux statuts de 1718. Il  se trouve confirmé par la démarche tentée, en 1683, par un tapissier sergier de Reims, qui, ayant reçu d'un bourgeois de la ville la commande de plusieurs tentures, appela des ouvriers de haute lice d' Amiens pour lui prêter assistance. Les noms de ces artisans ont été signalés par M. Loriquet, qui a fait connaitre ce curieux témoignage de la persistance de la tapisserie à Amiens. Nous en avons déjà dit quelques mots plus haut. Nous ne nous occupons point ici du travail  des tapis à haute laine, dits à la façon du Levant, qui se fabriquaient à la Savonnerie. Cette industrie est complètement indépeudante de la tapisserie de haute ou de basse lice.

 

LA TAPISSERIE DANS LES PAYS-BAS, EN ITALIE, EN ALLEMAGNE
EN ESPAGNE, EN RUSSIE
DEPUIS 1660 JUSQU'A LA FIN DU XVIII° SIECLE


PAYS-BAS ESPAGNOLS

Bruxelles

 Les ateliers renommés de la capitale des Pays- Bas se trouvaient en pleine décadence quand les succès de la manufacture des Gobelins vinrent effacer leur réputation  séculaire. La suprématie des métiers bruxellois sur tous les autres tapissiers de l’Europe, si longtemps incontestée, n'existait plus; Ils avaient trouvé leurs maîtres dans les artisans dirigés par Jans et par Lefebvre. Désormais le mot Gobelin deviendra, non seulement en France, mais aussi dans tous les pays voisins, synonyme de tapisserie de haute lice d'une perfection achevée. Encore aujourd'hui, ce terme est constamment appliqué à des tapisseries qui n'ont rien de commun avec les productions de notre manufacture nationale. Les évènements politiques et militaires avaient exercé l’influence la plus funeste sur l’industrie bruxelloise. Périodiquement envahis par les troupes du roi de France, mal défendus par les ministres et les généraux du souverain débile qui fit attendre sa mort plus de trente ans. Les Pays-Bas souffraient cruellement de la présence des gens de guerre, des sièges et des bombardements. Cependant un certain nombre de chefs d'atelier luttèrent jusqu'au bout contre ces conditions désastreuses. Parmi ces hommes énergiques figurent Jacques Coenot, entre dans le métier en 1650 et doyen en 1690; Adrien Parent, qui débute en 1654, et entretient encore, en 1675, huit métiers avec vingt ouvriers et cinq ou six apprentis; Marc de Vos, dont les descendants continuèrent les travaux pendant pres d'un siècle, et qui a signé avec Jean-François van den Hecke plusieurs pièces

La famille   van der Borcht ou Borght, qui devait fermer la liste glorieuse des tapissiers bruxellois, avait une origine identique à celle des de Broc. Plusieurs peintres de ce nom s'étaient fait connaitre au XVI° siècle. Leurs descendants débutent dans l’art du tissage vers 1676. Un Jacques van der Borcht signe à cette époque un Triomphe de Neptune et d'Amphitrite, d'après les cartons de Jean van Orley. Il  vivait encore en 1706. Jean- François van der Borcht mourut en 1772, laissant un fils nommé Jacques , qui fut le dernier des fabricants bruxellois.

Le décès de Jacques van der Borcht, mort celibataire le 13 janvier 1794, mit un terme à cette lente agonie de la glorieuse industrie bruxelloise. Le dernier représentant de la tapisserie flamande laissait en magasin un certain nombre de tentures; elles furent vendues quelques années plus tard au roi de Westphalie, Jerôme Napoléon, et périrent dans l’incendie du palais de Cassel.Au début du XVII° siècle, à part quelques tentatives isolés et éphémères, Il  n'existait plus d'ateliers que dans quatre villesdes Pays -Bas: Bruxelles, Audenarde, Tournai et Lille. Le dernier tapissier d'Enghien , Nicolas van den Leen , travaillait encore en 1687. A cette époque, il  restait seul. Ayant hérité de tons les biens de la corporation , il les donne à la confrérie de Notre- Dame et aux pauvres de la ville pour en jouir « jusques au temps du rétablissement du métier». Cette hypothèse ne devait pas se réaliser. La donation de van den Leen est le dernier acte authentique qui fasse mention des ateliers d'Enghien.


Audenarde

 On a exposé plus haut le dommage causé par la prospérité d'Audenarde par l’émigration en masse des meilleurs artisans, et les efforts infructueux du magistrat pour réagir contre le courant. Après avoir dû à sa réunion à la France un regain d'activité commerciale, grâce à laquelle les fabricants avaient établi à Paris un entrepôt de leurs productions, Audenarde se trouve définitivement rattachée aux possessions de la couronne d'Espagne, quand le bombardement de 1684 couvre la ville de mines et detruit quatre cent cinquante maisons. Mais déjà les maitres les plus habiles, attirés par les promesses des villes voisines ou des Etats étrangers, avaient quitté leur pays natal. Trois tapissiers d'Audenarde, François de Moor, Jean d'Olieslaegher et Daniel van Coppeulle avaient passé marche, d6s 1655, avec les magistrats de Gand pour s'établir dans cette ville . En vain, cherche-t-on à empêcher leur départ; toutes les mesures demeurent sans effet. Les transfuges avaient promis de monter chacun douze métiers dans leur nouvelle résidence. En 1684, à la suite du bombardement de la ville, leur exemple est suivi par plusieurs de leurs compatriotes, Jean Baert, Georges Blommaert et François van der Stichelen; ceux-ci allèrent fonder à Lille un atelier qui jouit d'une certaine réputation. Les oeuvres de van der Stichelen ont pour signature les initiales V. S. T. . On connait plusieurs suites à cette marque : six paysages, d'après des cartons de Louis de Vadder; une Histoire d'Adam et d'Eve, en six pièces; enfin cinq sujets empruntés aux Métamorphoses d’ Ovide, exécutées de 1690 a 1692 pour l’hôtel du marquis de Herzelles, à Bruxelles. En 1684, un autre tapissier d'Audenarde, Philippe Behagel, qui avait quitté son pays depuis quelques années déjà, remplaçait Hinart comme directeur de la manufacture royale de Beauvais. De Lille, Jean Baert se rend d'abord à Tournai (1692) avant d’aller se fixer à Cambrai (1724). Il règne d'ailleurs  une certaine confusion que nous avons vainement cherché à dissiper sur les pérégrinations de ce chef d'atelier, qui semble avoir conservé  jusque dans un âge avancé les goûts les plus nomades. Alexandre Baert travaille à Amsterdam en 1704. Nous avons déjà parlé d'Adrien de Neusse , qui fonde un atelier à Gisors en 1703, après avoir passé dix-huit ans dans la manufacture de Beauvais. Rappelons encore le nom de Lievin Schietecotte, fixe à Douai en 1720. Les taxes énormes qui frappaient les tapisseries d'Audenarde à leur entrée en France, et s'élevaient jusqu'à 66 pour cent de leur valeur, équivalaient à une prohibition absolue. En outre, le logement des gens de guerre faisait peser sur les populations des charges fort lourdes et les exposait à des vexations continuelles. Tons ces motifs réunis expliquent la désertion en masse des habitants , malgré toutes les mesures prises pour empécher leur départ, dépendant les magistrats ne perdent pas courage. Ils lutteront jusqu'au bout. Ils feront travailler les tapissiers pour le compte de la ville . En 1694, le gouverneur général des Pays-Bas, Maximilien- Emmanuel de Bavière, reçoit encore des magistrats d'Audenarde une chambre de tapisserie payée 1,950 livres a François van Verren. De temps en temps, des pièces étaient achetées pour la décoration des salles de l’hotel de ville . En 1700, le métier est réduit à dix maitres. Sept ans plus tard , la maison de la corporation est vendue. Trois chefs d atelier travaillent encore en 1749. Ils se réunissent pour la dernière fois en décembre 1758. Le dernier entrepreneur d'Audenarde, Jean-Baptiste Brandt, arrété sa fabrication en 1772. Il  devait survivre vingt-quatre ans à la fermeture de son atelier.


Tournai

A Tournai, comme à Audenarde, les magistrats prirent de sérieuses mesures pour la protection de l’industrie lo
cale, et il fait de grands sacrifices pour empécher sa ruine complété. En 1671, ils cherchent à attirer chez eux un tapissier d'En- ghien. Ils prennent à leur charge le loyer de la maison occupée par Etienne Oedins, autre tapissier d'Enghien, qui réside à Tournai de 1688 à 1692. Jean Baert, d’Audenarde, arrive à Tournai en 1692, jouit des mêmes immunités. La ville lui fait des avances considérables. C'est à lui qu'on commando quatre petites pièces pour fauteuils, offertes à la maréchale de Boufllers. Malgré ces avantages, l’entreprise de Baert ne semble pas avoir réussi, car il quitte la ville après un séjour d'une vingtaine d'années. Il  va d'abord tenter la fortune à Torcy, près de Paris, en 1711; nous avons signalé plus haut cette tentative. En 1724, Jean Baert est fixé à Cambrai. Ainsi qu'on le verra plus loin, il  n'y a pas de doute sur son identité. Le Jean Baert qui va successivement résider à Lille, puis à Tournai, et celui qu'on rencontre plus tard à Torcy et à Cambrai, ne font qu'un seul et même personnage. Pendant le cours du XVIII° siècle, le magistrat de Tournai ne cesse de s'imposer les plus lourds sacrifices pour faire vivre les derniers tapissiers. Il  entretient aux frais de la ville des dessinateurs chargés de travailler exclusivement pour eux; mais ici, comme à Bruxelles, les nouvelles industries amènent dans le goût du public des revirements funestes pour le travail   lent et coûteux, ceux du tissage au métier. Cependant les tapissiers de Tournai étaient encore au nombre de trente-neuf en 1745.
Le plus célèbre se nommait Louis Verdure; Il eut pour héritier Piat Lefebvre. Des quinze métiers subsistant encore en 1774, il  ne reste bientôt plus que celui de Lefebvre, qui remplace à son tour la fabrication des tapisseries par celle des serges et des tapis de pied.

Lille

Parmi les autres  villes flamandes qui se signalèrent par la protection et les encouragements accordés à la tapisserie, celle de Lille mérite d'être citée en première ligne. Nous avons vu qu'elle appelait, en 1676, deux ouvriers d'Audenarde, Georges Blommaert et Francois van der Stichelen. Elle leur accorde un don de 100 patagons, six annuites de 50 patagons chacune, et en outre certaines exemptions de charges. Blommaert est même regu bourgeois de la ville . Son premier ouvrier, Jean Cabillau , fonde un atelier rival en 1680. Malgre les avantages conclus aux nouveaux venus, ils paraissent avoir assez mal réussi. En 1684, Blommaert est remplacé par François de Pannemaker et son Fils André, de Bruxelles, qui avaient d'abord travaillé aux Gobelins. Cet atelier eut plus de succès que celui de Blommaert; Il  prolongea son existence peudant trente-cinq ans environ. François de Pannemaker en laissa la direction, lors de sa mort (1700), à son fils et à son gendre Jacques Deletombe ou Destombes. Ces entrepreneurs s'étaient presque exclusivement consacrés à la fabrication des verdures. En 1719, la veuve de Destombes reclamait 2,100 livres dues par la ville comme prix de tapisseries achetées pour la décoration de la salle du conclave. On a vu que Jean Baert, originaire d'Audenarde, avait résidé quelques années à Lille 1684-1692), avant de gagner Tournai, pour aller de là à Torcy, puis à Cambrai. Un autre tapissier de Bruxelles , dont il a été parlé plus haut , Jean de Melter, vint fonder un second atelier à Lille en 1687, et obtint un subside de 400 livres pour frais de déplacement. Il posséda jusqu'à neuf métiers en activité. On conserve à Lille, dans une collection particulière, une Vierge avec  l’enfant Jésus, d'apres Rubens, signée J. de Melter. Cet artisan meurt en 1698, laissant une fille nommee Catherine, qui épouse, deux ans apres, Guillaume Warniers ou Werniers. Celui-ci obtint, à l’occasion de son mariage, le droit de bourgeoisie. Warniers sut conduire l’établissement creé par son beau-père à un haut degré de prospérité. En 1733, il  dirigeait vingt-un métiers. Vers cette époque, il  s'associe avec Pierre de Pannemaker, le fils cadet d'André , mais l’association dure peu. Le magistrat n'avait cesse de payer à cet habile entrepreneur 200 livres de gratification annuelle. Cette pension fut continuée jusqu'a son décès survenu en 1738. En mourant, Guillaume Warniers laissait une veuve, Catherine Ghuys , qu'il  avait épousée après la mort de sa première femme , et qui conserva la direction de l’atelier de son mari jusqu'en 1778. Mais la fabrication n'avait pas tardé à être réduite à trois métiers. Les oeuvres de Warniers sont nombreuses; elles portent généralement une signature. On a de lui des scènes religieuses, des portières aux armes de France, des copies de Téniers, des suites de comtes et comtesses de Flandre, des sujets mythologiques, comme Bacchus et Ariane et le Triomphe d'Amphitrite, qui appartiennent a M. le comte de Pontgibaud. Werniers a tissé une Histoire de don Quichotte, en huit panneaux. Il aborda ainsi tous les genres et ne se montra inférieur dans aucun. Un des frères de Guillaume Warniers, nommé Adrien, partit pour fonder une manufacture à Copeuhague. Jean -Francois Bouche, tapissier fixé à Lille en 1749, obtint du magistrat une peusion qu'il  conserva jusqu'en 1773, date de sa mort. Un portrait de Charles de Rohan, prince de Soubise, exécuté au métier, lui valut le titre de « tapissier de Monseigneur le gouverneur ».  On a relevé la signature F. Bouché sur une Histoire de Psyché, en cinq  pièces, exposée à Paris en 1867. Le Fils d'un tapissier des Gobelins, nomme Deyrolle, tenta de relever à Lille l’industrie que la mort de Catherine Ghuys et de Jean-François Bouche avait laissée sans représentant. Il  installa trois métiers en 1780; la ville lui vota un subside annuel de 50 florins. Cette tentative donna peu de résultats. Cependant on connait une oeuvre signée de Deyrolle; c'est une composition de plusieurs figures representant une fileuse. Vers 1717, la salle du Conclave  au palais Rihour de Lille (ancienne salle) fut décorée d’une tapisserie de haute lisse par Destombes-Pannemacker (disparue) payée 2.100 florins; Après le décès de Warniers (1738), l'activité végéta. Etienne Deyrolles essaya de rénover en 1780 les ateliers mais en vain. De nombreuses Tesnières furent tissées à Lille.


Valenciennes

Deux ou trois cités de la Flandre française essayent, comme celle de Lille, d'attirer par des oflres avantageuses les tapissiers des cités voisines. Apres le Pierre Régnier, dont nous avons déjà parlé et qui livre, en 1043, deux chambres de tapisseries au sieur d'Houdicourt, nous trouvons à Valenciennes un tapissier nomme Philippe de May ou du Metz. Il  recevait, à la fin du XVII° siècle, un subside de la municipalité, à la charge d'enseigner son métier à un certain nombre d'enfants pauvres. Son atelier de haute lice, établi en 1681, existait encore en 1690. On cite parmi les oeuvres de cet artisan une Histoire de Saint Gilles, en huit panneaux, pour la chapelle de Saint- Pierre, d'apres les cartons du peintre Jacques -Albert Gerin. Les modèles furent payés 441 livres 10 sous. Le tapissier toucha pour son travail  la somme élevee de 10,008 livres 17 sous 3 deniers. Il  faut ajouter qu'il  avait employé du fil  d'or pour relever le costume du roi et le harnachement du cheval. Philippe de May n'était donc pas le premier venu. Le tapissier Nicolas Dilliet  exécutait, vers 1728, à Valenciennes des verdures d'apres les paysages du peintre Dubois. La ville lui avait constitué  une pension annuelle de 480 livres. On a vendu récemment a Paris plusieurs pièces assez curieuses, signées Dillet, Valenciennes, offrant des perspectives de berceaux et de parterres à compartiments de buis taillé, à la façon de ceux qu'on appelait autrefois des parterres de broderie.

Douai

Apres la réunion de Douai a la France (1007), diverses tentatives sont faites pour y installer des ateliers de tapisserie; mais ces expériences se succèdent sans produire de résultats durables. C'est d'abord François Pannequin, peut-être faut-il  lire Panne- maker, qui vient s'établir avec son Fils André, et obtient un logement gratuit avec certaines immunités. Andre Chivry, tapissier, parait en 1692.  Jacques Destombes, peut-être le gendre de Francois de Pannemaker, pour lui commander une tenture en six pièces, representant l’Histoire des Anges, Lievin Sclelecatte , originaire d'Audenarde, était venu tenter la fortune à Douai en 1726; le succès ne repondit pas à ses espérances, car quelques années s’étaient à peine écoulées, qu'on était obligé de mettre en loterie trois pièces de tapisserie engagées à l’argentier de la ville en garantie d'un prêt de 600 florins. Un certain Tobie Coucks passait marché, en 1743, pour une pièce aux armes de France et de Navarre, destinée à une des salles de lhôtel de ville . Il  habitait encore Douai vingt ans plus tard; Il  se trouvait alors réduit à un etat de profond dénuement.



Cambrai

 Dès 1682, cette ville fait une tentative pour restaurer chez elle l’industrie de la tapisserie, mais d'abord sans aucun succès. Quarante ans plus tard, dans le cours de l’année 1724, Jean Baert, qui avait d'abord travaillé à Lille, à Tournai, puis à Torcy, vient se fixer à Cambrai avec son fils . Ce Jean Baert devait être bien vieux en 1724. Cependant les recherches de M. Durieux sur les ateliers de Cambrai dissipent toute hesitation. Il résulte, en effet, des découvertes de l’érudit historien qu'au moment un Jean Baert mourait à Cambrai , en 1741, son fils Jean- Jacques n'avait pas moins de soixante ans; ce qui fait remonter le mariage du chef de la famille  à 1680 au moins. Jean Baert n'aurait donc pas eu moins de quatre-vingts à quatre- vingt- dix ans au jour de sa mort. Nous avons vu qu'un autre Baert, nomme Alexandre, peut-etre un parent du tapissier de Cambrai, avait quitte Audenarde pour Amsterdam en 1704. Nul doute d'ailleurs  que de nouvelles recherclies dans les archives provinciales ne multiplient à l’infini le nombre de ces petits ateliers locaux. Rien n'est plus simple, plus facile que l’installation d'un atelier de haute ou de basse lice; nous avons déjà insisté sur ce point ; l’existence nomade des tapissiers flamands au XVIII° siècle en offre de frappants exemples. Jean -Jacques Baert remplaça son père dans la direction de l’atelier cambrésien. Il  ne mourut qu'en 1766, a quatre-vingt-cinq ans, laissant lui-même un fils , Jean-Baptiste, né en 1726, qui continua les traditions de ses ascendants. Il faut voir, dans la notice de M. Durieux, an prix de quels sacrifices les Baert parvinrent à soutenir jusqu'à la fin du XVIII° siècle la modeste manufacture qu'il avaient fondée. Les magistrats, après les avoir accueillis avec empressement, se montrèrent bientôt d'une extrème parcimonie, et nos tapissiers ne trouvèrent désormais qu'avec les plus grandes difficultés le placement de leurs ouvrages. La révolution arrive et achève la ruine de l'atelier, depuis longtemps menace. Le dernier des Baert est nommé receveur à l’une des barrieres de Cambrai. Il  est ensuite réduit a se faire porteur de contraintes, puis a solliciter une place d'agent de police. Il  meurt enfin, le 29 mai 1812, dans la plus noire misère, à l’âge de quatre-vingt-six ans.


Arras

 Signalons encore les derniers essais tentés pour faire renaitre dans la ville d'Arras. L’industrie qui avait Illustré son nom d'une gloire impérissable. Nous avons vu Vincent van Quickelberghe, d'Audenarde, oblige d'abandonner l’Arlois, apres un séjour de plusieurs années, pour se retirer à Lille; ceci se passait en 1625. Deux autres  tapissiers, Leles et Parent, font quelques sacrifices, en 1664, pour rendre la vie à l’ancienne industrie locale. Colbert s'intéresse un moment à leur entreprise; mais d'autres  soins  dé tournent son attention, et les deux associés ne tardent pas à perdre courage. Au XVIII° siècle, les magistrats d'Arras s'adressent successivement à deux tapissiers lillois , d'abord à Francois Bouche en 1740, puis, cinq ans plus tard, à Bernard Plantez, ouvrier de la veuve Warniers. Ce dernier s'établit à Arras avec un compagnon, et y reste jusqu'en 1759, recevant une subvention annuelle de la ville . Le musée de la ville possède deux verdures avec animaux signées Plants J. B., et attribuées au dernier représentant de la tapisserie à Arras.

 

XVIII° SIÈCLE
LES MANUFACTURES FRANCAISES AU XVIII° SIÈCLE
Nomme inspecteur de la manufacture en 1736, Oudry fournit aux tapissiers le module fort original des Chasses de Louis XV, qui comportait un grand développement d'arbres et de verdures. Nous arrivons aux salons de l’Académie royale et aux modules présentés par les fournisseurs attitrés  de la maison.Pour se rendre un compte exact de la quantité prodigieuse de tentures exécutées au siècle dernier, il  faut  surtout consulter les inventaires des trésors des églises, encore très nombreux. Celui de Notre- Dame de Paris, dressé en 1683, n'indique pas moins de soixante pièces. Presque toutes les églises de la capitale possédaient quelque suite provenant de dons ou de legs. Ces décorations servaient dans les jours de grandes cérémonies religieuses; on les employait pour rehausser la pompe des processions les jours de Fété-Dieu. Il  nous a été assuré que certaines paroisses de Paris gardaient encore, il  n'y a pas bien longtemps, des tapisseries nombreuses dont elles tiraient profit en les louant, les jours de pro- cession extérieure, aux particuliers désireux de décorer leurs maisons. Il  y a quelques année à peine, on vendait à Reims le fonds d'un marchand tapissier compose d'une cinquantaine de pièces qu'IL  louait aux habitants de la ville pour orner la facade de leurs demeures, lors des grandes solennités religieuses. La Belgique vient de nous donner une leçon qui mérite d'être méditée. Pour encourager et faire vivre une industrie naissante a laquelle elle porte un grand intérêt, elle a commandé à l’atelier de Malines deux séries de tentures, l’une pour l’hôtel de ville de Bruxelles, l’autre pour les salles du Sénat. Ces tentures représentent peut-être l’effort le plus original qui ait été fait de notre temps pour ouvrir à l’art du tapissier de nouveaux horizons. Pourquoi ne tenterait-on pas en France ce qui a si bien réussi ailleurs ? Est-il  si difficile de trouver quelques milliers de francs chaque année pour encourager une des plus hautes expressions de l’art décoratif, quand le budget des beaux-arts s'élève à des millions? Il  est grand temps qu'on y songe; il  faut enfm que toutes ces questions soient tranchées, non par des députés ou dessinateurs, mais par des hommes compéténts, car l’avenir et même l’existence de la décoration en France sont en j eu et courent les plus sérieux dangers. Pour finir par une remarque pratique , il  ressort de l’histoire de toutes les manufactures dont nous venons d'étudier les vicissitudes que les fabricants de tapisserie n'ont jamais pu supporter les frais énormes qui leur incombent que grâce aux subventions , aux immunités, aux encouragements accordés, soit par les souverains, soit par les conseils communaux.

La manufacture royale des Gobelins

créé en 1662 par Colbert. Il engagea le peintre cartonnier Le Brun qui devint directeur désigné par le roi Louis XIV. Colbert et Le Brun obtinrent du roi  en 1667 l'édit ordonnant l'institution de la Manufacture Royale des Meubles de la Couronne. A l'èpoque, il  y avait: 4 ateliers de tapisseries dont 3 de haute lice dirigés respectivement par

Le premier: Jean Jans venu des Flandres ; Le deuxième: Jean Lefèvre venant de l'atelier des Flandres ;

Le troisième: Henri Laurent; 1 atelier de basse lice dirigé par Jean de la Croix, 1 atelier de teinture, 1 atelier de retraiture.

 Ces ateliers réunissaient 250 artisans.

 

La Manufacture de Beauvais

fondée par Colbert de Villacerf le 5 avril  1664, accueillera des liciers lillois et tournaisiens sous l'impulsion de Colbert.

Son intendant était Louis Huinart, marchand de grande renommée, possédant également des métiers et 400 ouvriers dans les Flandres sous la direction de Philippe Behagle de 1684 à 1704.

beauvais-Behagle_Tapisserie

Avec deux flamands qui avaient déjà travaillé avec lui, Béhagle constitua le 13 juin 1684 une association d'une durée de quinze ans. Chacun apportait 40.000 livres en marchandises ou espèces. Le contrat précisait que Béhagle résiderait à Beauvais "Pour avoir la direction des ouvriers" tandis que Joris Blommaërt qui depuis 1667 dirigeait une manufacture à Lille s'occuperait de "la fourniture des laines et autres  choses nécessaires". Jean Baërt enfin demeurerait à Paris "pour la réception des marchandises et le débit d'icelles". Association brève qui avait commencé par des emprunts (63.000 livres les 9 juin et 7 novembre 1684).

Avant de s'établir à Tournai, Baert avait été successivement à Audenarde et à Lille. On conserve à Amsterdam, au Ryjsk Museum plusieurs pièces de tapisseries. Louvois, comme je l'ai dit, accorda la jouissance des domaines et bâtiments de Beauvais pour une durée de trente ans mais le prêt était limité à 15.000 livres remboursables en trois ans. Procès-verbal et visite des lieux furent effectués le 3 mars 1684. Les lettres patentes du 10 mars confirmèrent les privilèges de 1664. S'y ajoutait l'autorisation de faire transporter, sans frais, de Lille (en raison de l'association avec Blommaërt) et Tournai à Beauvais, toutes les tapisseries, laines,soies et métiers appartenant à Béhagle et à ses associés ainsi que leurs meubles et ceux de leurs ouvriers ("Il  s'y transporta avec une trentaine de chariots chargé d'ouvrages faits, de matières pour en fabriquer d'autres ...". Le 13 juin 1684 après-midi, il  y eut un contrat signé devant notaire par les associés. Dès le 16 juin, Blommaërt avait estimé que la plupart des métiers étaient endommagés et inutilisables, Il  en possédait en Flandres qu'il  fit venir. Sa situation géographique unique présenta de nombreux avantages. Elle se trouvait à proximité des routes commerciales des Flandres. La ville détient certaines tentures ainsi que le musée départemental de l'Oise. La production de Beauvais était moins solennelle mais avait des qualités décoratives.

Après la seconde guerre mondiale, la Manufacture fut transférée dans les locaux de la manufacture nationale des Gobelins.Par exemple: L'histoire fabuleuse des Gaules (XV et XVI) ;

 

Malines

MM. Braquenie ne tardèrent pas à se séparer du comte de Montblanc pour fonder à Malines une manufacture soutenue par les commandes du gouvernement belge et des administrations communales. La grande salle de l’hôtel de ville de Bruxelles a eété décorée récemment d'une suite de panneaux représentant , d'après les peintures de M. Geets, artiste de Malines, les chefs des anciennes corporations. Presque toutes sont des portraits. Plusieurs pièces de cette suite, envoyées à l’exposition universelle de 1878, ont obtenu un très vif succès, dû  surtout au sentiment décoratif qui distingue les compositions de M. Geets. La fabrique de Malines, dirigée par M. Braquenié et son gendre.

Halluin :

"L'histoire commence en 1878. Dans le sillage de son père - un drapier qui parcourait le monde de la Russie à l'Amérique Latine avec de grosses malles en cuir - Jules Pansu fonde sa société rue du Faubourg-Poissonnière à Paris. Ce négociant en fil se passionne pour la tapisserie des Flandres. Il rêve de créer son atelier dans le Nord, berceau de la tapisserie depuis le Moyen Âge. Ce sera à Halluin.

" L'homme est un visionnaire. Il s'entoure d'artisans d'art. Sa manufacture excelle dans les procédés de tissage : point d'Halluin, point de Loiselles, point des Meurins... L'histoire d'une exception française incarnée aujourd'hui par les héritiers de Jules Pansu, quatrième génération. Une boutique Rive gauche à Paris et des créations, made in Halluin, vendues aux quatre coins du monde.

Installée rue de la Lys, l'entreprise, qui a vu en 2001 deux de ses salariés consacrés Meilleurs ouvriers de France, fournit les musées nationaux, les monuments historiques et des particuliers connaisseurs. Les Tissages de la Lys sont l'une des deux dernières entreprises de l'hexagone spécialisée dans la tapisserie flamande. Un univers devenu confidentiel pour ne pas dire désuet au fil des générations.

"Depuis un an et demi, les Tissages de la Lys déclinent des oeuvres de Picasso sur des tapisseries et des coussins. Reconnaissance suprême. « L'aboutissement de longues discussions avec la succession du peintre et la fondation Picasso » confie Jean-Marc Viénot, un pur produit de l'ENSAIT, lcélèbre école textile roubaisienne qui milite pour l'avenir du textile français. La collection Pablo Picasso présente 5 tapisseries, 15 coussins et depuis peu des articles de maroquinerie. Des créations, très exigentes, qui ont naturellement trouvé leur place dans la boutique du musée La Piscine à Roubaix qui rend hommage à l'artiste jusqu'au 20 mai.

"Les reproductions sont saisissantes. L'alliance des fils et les jeux chromatiques de la tapisserie offrent une nouvelle lecture des oeuvres. De Londres à New York, de Berlin à Tokyo en passant par Sydney, on s'arrache ces créations, primées en octobre à Shangaï. L'entreprise réalise un chiffre d'affaires de 3, 5 millions d'euros. L'histoire d'un savoir-faire sublimé. D'un textile bien vivant" ANGÉLIQUE DA SILVA-DUBUIS > angelique.dasilva@nordeclair.fr

 

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